Un bon leader politique doit avoir un minimum d’éthique, un sens inné de la responsabilité et du leadership et plus que tout, le courage politique de dire ce qu’il faut quand il le faut, a récemment déclaré le politologue tunisien Mohsen Marzouk.
Le courage de dire les choses crument si cela peut servir à éveiller le peuple et à lui faire prendre conscience de ses responsabilités envers lui-même et envers le pays.
Le courage de dénoncer la nonchalance, les sit-in et les grèves injustifiées; le courage de dénoncer la ghettoïsation des villes et leurs grandes artères; le courage de critiquer le peuple s’il le mérite, car nous n’allons quand même pas sacraliser ou angéliser le peuple. Ce que voudrait le peuple, ou en tout cas une large catégorie du peuple, c’est surtout qu’on lui montre la voie ou qu’on lui balise la voie de la prospérité et du bien-être au risque de le bousculer quelque fois.
Combien parmi les présidents des partis ont dénoncé la destruction des biens publics, la dévastation de lieux représentant la dignité et la prépondérance de l’Etat?
Combien parmi eux ont-ils évité la langue de bois comme le fait de déclarer tout le temps «Le peuple a beaucoup souffert, il a tous les droits». Ce qui rappelle un certain président qui rétorquait à ceux qui critiquaient les abus de sa famille: «Ils ont marché pieds nus assez longtemps, laissez-les vivre»… Ils ont vécu en tuant l’espoir, l’amour du pays et les ambitions de générations de jeunes désabusés, déboussolés et désillusionnés quant à leur avenir dans leur patrie.
Est-ce dont nous rêvons pour notre Tunisie? La loi de la jungle? Celle du plus fort et des minorités marginales?
Sommes-nous condamnés à souffrir à perpétuité une langue de bois allant avant dans le sens du guvernant et aujourd’hui dans celui d’une poignée de gouvernés?
La loi du plus fort
La semaine dernière à Béja, précisément la veille de l’Aïd, des individus ont stoppé net le train en partance vers Jendouba, y séquestrant les passagers de 15h à 22h.
Ils exigeaient la libération de leurs parents arrêtés suite à la destruction et au vol du bureau de poste de Béja. Ces derniers qui avaient sollicité du gouverneur de leur donner de l’argent se sont rabattus sur le bureau postal quand ils ont vu leurs demandes déboutées. Les forces de police ont été obligées de négocier avec eux et finalement, ils ont été libérés!
A Hammamet, un bandit connu pour son long passé criminel devait, après avoir comparu devant le juge d’instruction, être reconduit en prison, sauf que sa tribu qui attendait devant le tribunal a attaqué les policiers qui le reconduisaient et l’a relâché. Il paraît qu’ils ont passé la nuit à faire la fête, contents d’avoir pu libérer l’un des leurs des «griffes de la police»…
«Ils menacent même les juges et magistrats et il y en a qui les relâchent par peur pour leurs familles…»…, explique un officier de police.
A Métlaoui, depuis deux jours, les hostilités entre les deux tribus rivales, les Bou Yahia et les Jridia, ont recommencé de plus belle et d’une simple bagarre entre des jeunes qui a tourné au vinaigre et qui a vite été contenue par la police, ça a viré à un conflit entre les familles.
Conséquence: un jeune homme, «Hamza Saadia», a été abattu par un fusil de chasse, des boutiques incendiées et la police a dû utiliser des bombes lacrymogènes pour séparer les manifestants qui ont commencé à utiliser des armes à feu.
Depuis des semaines déjà, la population de Gafsa vit dans la terreur car des bandits volaient, agressaient et rackettaient la population dans une impunité quasi totale…
Le rôle d’un Etat, d’un gouvernement, c’est de maintenir l’ordre sur son territoire, il doit détenir le monopole de la contrainte physique de la police et de l’armée. C’est ce que nous apprenons dans les cours de droit. Dès qu’il ne dispose plus de ce privilège, un Etat ne peut plus se prévaloir de pouvoir exercer son autorité sur qui que ce soit, et un pays peut, à n’importe quel moment, tomber dans le chaos.
Il est de la responsabilité de tout le monde, Etat transitoire ou pas, partis politiques et organisations de la société civile, d’assumer leur rôle dans le soutien de la stabilité du pays qui doit être la priorité. Car qui sait, peut-être qu’il existe des «puissances» occultes qui s’évertuent à semer la pagaille et le désordre à chaque fois qu’une échéance électorale approche…
Qui a intérêt à ce que la Tunisie échoue dans sa première épreuve pour une transition démocratique?