Un modèle de société atteint ses limites quand les choses ne vont plus, quand la violence éclate, quand le tout n’arrive plus à se tenir en tant que système cohérent.
Vague de violences chez nous, recrudescence des braquages, vols de voitures, délinquance en tout genre, petit banditisme… Mais pas que chez nous, j’allais dire heureusement, en France aussi. Ca aide quand on voit les phénomènes depuis d’autres angles de vue, on peut avoir une vue et donc une compréhension plus globale.
Maintenant plus que jamais, notre pays vit une phase historique, puisqu’il va choisir… nous, nous allons choisir, le modèle de société que nous voulons. Et ce serait bien de regarder les voisins, d’observer leurs choix et les implications de leurs choix à long terme. Ca aide.
Un jeune devient violent quand il est déçu par la perspective d’avenir que lui propose sa société. Quand il n’a pas reçu, dans son éducation des valeurs qui cimentent toute la société, qui donnent du sens à ce vécu collectif, aux éventuelles épreuves de la vie, etc. Car faut-il le rappeler, l’éducation ce n’est pas que des théories de maths et de physique, cela s’appelle l’enseignement, l’éducation c’est aussi de transmettre des valeurs.
Quand on demande à ces tout jeunes braqueurs, pourquoi autant d’armes lourdes, pourquoi autant de violence (tirer sur tout ce qui peut faire obstacle à leur projet), ils se défendent en disant qu’ils veulent simplement travailler tranquillement, sans toucher aux gens… sauf si ceux-là se mettent sur leur chemin. Oui, ils considèrent cela comme un travail. Et leur objectif n’est pas de le faire à vie, mais d’atteindre un certain objectif, qui leur permettrait de ne plus travailler, et d’avoir le frigo rempli à vie.
Ca m’interpelle énormément. Voilà où on est arrivé à force de capitalisme sauvage, qui détruit de l’emploi, et amasse encore plus de dividendes. L’emploi n’est plus la priorité, bien joué, les jeunes ont bien compris le message. Travailler n’est plus une valeur en soi. Ce qui compte, la nouvelle norme, c’est l’oisiveté et la consommation. Le luxe et les marques, remplir le frigo.
Mais il n’y a pas que le modèle économique…
Quoi attendre… d’un individu qui passe le plus clair de son temps d’éveil devant la télé, une certaine télé, des films blockbuster comme «Heat» ou «Scareface». Idéologie/apologie du profit facile, de la violence/négation de l’autre et de son droit à la vie, avec une pointe de sympathie pour des personnages hors du commun, si virils, qui aiment leurs femmes et enfants. Et j’en passe et des meilleurs.
Et si ce n’est pas cette télé, ce sont les jeux vidéos/réalité tels que GTA et compagnies, où l’objectif est d’abattre un maximum de personnes qui seraient sur le chemin du héros, de voler des voitures en battant des gens à mort -oui à mort-, avec du sang tout rouge qui gicle à l’écran.
Un individu qui n’a pas eu la chance d’avoir des parents instruits, pour le suivre tous les après-midi après l’école, pour l’encadrer, pour réfléchir au contenu de ce qu’il regarde à la télé, aux jeux vidéos qu’il mate pendant des heures, à la fréquentation qu’il a à l’école, etc.
C’est peut-être cet individu qui sera le petit voleur de voiture, passant l’oisiveté et la fainéantise jusqu’à demander une rançon pour rendre la voiture volée, au lieu d’aller la démonter et de la vendre selon le circuit ordinaire, pour aller passer du bon temps à Hammamet, avec 3 ou 4000 dinars.
Non, je ne suis pas en train de faire du déterminisme social. Mais J’ai cette vague impression que la violence ordinaire ou petite délinquance en recrudescence chez nous, s’inspire de loin, si non a les mêmes causes, que la flambée du petit/grand banditisme en France et ailleurs. Puisque nous importons un modèle de société, produit fini, clés en main, du « prêt à penser »…
Et non je ne suis pas en train de justifier la violence et la délinquance, je suis en train d’expliquer. De questionner un modèle de société qui a peut être montré ses limites, plus visiblement bien sur en France ou ailleurs que chez nous. Mais n’aise pas une extraordinaire occasion pour se poser et réfléchir, avant qu’il ne soit trop tard : quel modèle de société nous voulons, quelles sont nos priorités ?
Quelle économie nous voulons ? Celle centrée sur le profit ou celle centrée sur l’homme, sur l’emploi ? Est ce qu’il suffit de créer des richesses, de les laisser amassées aux mains d’une minorité, ou est ce que l’objectif est celui d’une distribution équitable de la richesse… ? Quelle place de l’éducation (pas de l’enseignement, je dis bien éducation) ? etc.
J’ose être optimiste.