L’Amérique est «illiquide» mais elle nous force à croire qu’elle est solvable. C’est l’ordre «Yankee». Comment imposer à l’Amérique de provisionner ses impayés?
Oncle SAM est gros dépensier. Cela le conduit à dépenser tout ce qu’il gagne et la plus grosse partie de ce qu’épargnent les autres. Dans l’antiquité, on disait du Roi Damis qu’il transforme tout ce qu’il touche en or. Pour sa part, l’Oncle SAM a réussi la contre-performance de transformer l’or en papier, le billet vert. Ainsi en est-il depuis le mois d’août 1971 quand le président Nixon a suspendu par un acte unilatéral la parité or du dollar. Depuis, l’Amérique prend de la valeur, en s’accaparant une partie des richesses du monde et paie avec du papier. Sa planche à billets est devenue sa corne d’abondance. Ses fondamentaux? Ils sont couverts par sa signature, aussi simple.
En état d’illiquidité
L’Amérique n’avait plus d’argent dans ses caisses pour régler les tombées de sa dette. Qu’importe. Son crédit plafonnait. Eh bien, les deux chambres, Sénat et Congrès, lui trouvent une issue. Opposition et majorité s’accordent pour le décréter solvable, malgré tout. Elles ont relevé le plafond d’endettement de l’Amérique d’un cran, et voilà Oncle SAM qui réémet de la dette sur le marché et se refait une trésorerie. Les agences de notation financière ont menacé l’Oncle Sam de dégrader sa note triple. La dégradation aurait pour effet de majorer un peu le taux d’intérêt sur les émissions américaines. C’est un pis-aller. Quelques points de base de plus c’est quelques dollars en plus. C’est une thérapie douce. Dans les faits, une seule a légèrement abaissé la note d’un sous-échelon. Les deux autres n’ont pas bronché. Et le monde a marché. Contraint et forcé, vous me direz, mais, il a marché.
Le trait d’exception: les déficits jumeaux
L’Amérique c’est bien connu, c’est le pays du gigantisme et de la démesure. Voilà le pays qui triple, environ, sa dette entre 2001 et 2011. Passant de 5.800 milliards de dollars à 14.100 MD$, l’Amérique vit à crédit. Elle consomme à outrance et les Chinois sont là pour les approvisionner. La Chine, atelier à bas coûts, permet aux travailleurs américains de maintenir leur train de vie et de ne pas s’appauvrir. Georges W. Bush ne disait-il pas que «le niveau de vie de l’Américain ne se négocie pas»? Et la vie continue. Et l’Oncle SAM continue à avoir un déficit commercial abyssal avec la Chine, et dans le même temps, il poursuit une politique macroéconomique expansionniste aux frais de la planète. Et, ça passe! Les déficits jumeaux, personne n’en viendra à bout. L’ennui est que l’Amérique piège ses fournisseurs. En les payant en dollars, ils ne peuvent placer leurs avoirs qu’en bons du trésor américain, ce qui reproduit le système à l’infini.
Provisionner les créances accrochées
L’Amérique consomme sans payer. Il y a 14.100 milliards de dollars engloutis que l’Amérique annonce sans ciller ne pas pouvoir payer. Les banquiers appellent çà des créances accrochées si toutefois elles ne sont pas carbonisées. L’accord bipartisan est passé outre. Il les a constatés, tout simplement, et a relevé le plafond de la dette souveraine du pays. L’accord ne fait aucune entrave au système. L’Amérique ne s’engage pas à améliore ses recettes en faisant payer les riches. Elle va réduire ses dépenses publiques. Ce qui est une constante en Amérique. Ce sont toujours les pauvres qui trinquent. Ronald Reagan au début de son mandat a fait pareil. Il a supprimé le goûter des écoliers dans les établissements payés par le gouvernement, c’est-à-dire les petits noirs et hispaniques. Le «clou» dans tout cela c’est que le gouvernement américain promet dans dix ans de réduire sa dette de 2.100 milliards. Mais l’inflation les aura épongés entre temps.
L’ordre mondial cynique
L’Oncle SAM vit dans un confort incomparable. D’un trait de plume, ses deux chambres lui procurent un supplément de crédit et personne ne pipe mot. Il peut envers et contre toute logique écraser son taux directeur indéfiniment alors que son économie ne répond plus aux instruments monétaires. Ces derniers sont devenus inopérants et inefficaces. Cependant, quand les taux d’intérêt sont maintenus bas, ils favorisent des martingales financières. La crise des subprimes a été rendue possible car les taux étaient restés bas et que les banques ont greffé dessus leur business de crédits logement à taux élevé. On a essuyé une crise d’une amplitude rarement atteinte. Alors la question est: quand l’Amérique comprime son taux bas, nous prépare-t-elle une crise financière? On est en droit de se poser cette question. Et puis pourquoi continuer à payer pour le consommateur américain, le monde doit pouvoir s’unir pour amener l’Amérique à provisionner ses dettes. C’est le minimum en matière de gestion prudentielle.