Le dernier discours de Béji Caïd Essebsi, Premier ministre du gouvernement provisoire, peut être considéré comme un cas d’école en ce sens où il pose un problème fondamental, en l’occurrence: qui doit gouverner le pays?
Est-ce le politique? Est-ce une région? Est-ce les syndicats des travailleurs? Est-ce le patronat? Est-ce la police? Est-ce l’armée? Est-ce le religieux? Est-ce le magistrat? Est-ce le technocrate? Ou est-ce l’ensemble de ces institutions?.
M. Caïd Essebsi, qui a évoqué en filigrane cette problématique, répondait ainsi à des actes de rébellion, sit-in et menaces de grèves brandies par des syndicats de la police et de la gendarmerie qui voulaient «avoir un droit de regard sur les nominations et la politique sécuritaire du pays» alors que leur mission, dans tous les pays du monde, consiste essentiellement «à exécuter et à servir», bien «à exécuter et à servir».
En homme d’Etat, parfaitement conscient des acquis accomplis par la Tunisie en matière d’institutions, le Premier ministre a eu le grand mérite non seulement de remettre à l’esprit cette mission mais aussi de rappeler à tous ceux qui seraient tentés de dépasser la limite de leur mission de fonctionnaire que ce pays doit son indépendance, d’abord, à sa révolution bénie, ensuite au seul peuple tunisien.
S’inscrivant ainsi, dans une logique par essence républicaine, le Premier ministre a plaidé pour la primauté de la loi dont personne ne peut être, désormais, au dessus. Le discours était ferme, clair et sans appel, en dépit de quelques dérapages, à notre avis. La République en est sortie grandie. Dont acte.
En fait, cette problématique «qui doit gouverner?», qui refait surface dans notre pays en cette période révolutionnaire, n’est pas nouvelle. Elle a été au centre des préoccupations de l’homme depuis les temps reculés. Le philosophe grec, Platon, en avait beaucoup parlé dans son œuvre «La République». Les peuples ont, depuis, affiné leur gouvernance et mis en place ce qu’on appelle de nos jours «l’Etat de droit et des institutions».
En Tunisie, il semble que l’indigence intellectuelle dans laquelle les Tunisiens ont évolué, depuis l’accession du pays à l’indépendance, en raison du quadrillage systématique de la société, n’ait pas permis à certains corps et corporations d’évoluer. Ces derniers, habitués à «des pouvoirs illicites», demeurent, hélas encore, poujadistes.
Parmi ceux-ci figurent en bonne place la police et la gendarmerie qui ont servi, durant plus de cinquante ans, non pas le peuple, mais des castes au pouvoir. C’est ce qui explique cette défiance, voire cette haine presque viscérale à l’endroit de l’agent de sureté.
Viennent ensuite certains détenteurs de capitaux qui ont profité des juteuses incitations fiscales et financières de l’Etat. Certains d’entre eux, pour sauvegarder leurs intérêts, manœuvreraient en cette période révolutionnaire pour “acheter” les partis et, partant, les consciences. Réputés pour être des chasseurs de primes et de subventions, certains de «ces affairistes», pour reprendre un qualitatif de Bourguiba, se sont plutôt servis et ont rarement servi.
Autre catégorie qui mérite d’être combattue, à terme, par tous les moyens légaux: les braqueurs, voleurs, raquetteurs, mendiants professionnels, faux chômeurs, intermédiaires et autres. Bref, tous les resquilleurs et parasites qui vivent dans l’illégalité et dont l’accroissement du nombre constitue de plus en plus une menace quotidienne.
C’est pour dire au final que seul le respect de la loi par tous compte désormais.
A bon entendeur!