Ils ont été victimes, tout d’abord, de leur inculture et méconnaissance de l’Histoire. En bons IBM (imbéciles, bêtes et méchants), ils se sont crus éternels et intouchables. Aveuglés par leur cupidité, ils n’ont pensé qu’à satisfaire leurs vils instincts et avidité de pouvoir et d’argent. Ils n’ont jamais eu le temps matériel de tirer un quelconque enseignement de l’Histoire contemporaine de la Tunisie, et surtout de la fin dramatique des carrières politiques de l’ensemble des responsables qui ont eu à assumer d’importantes charges à la tête de l’Etat, depuis l’accession du pays à l’indépendance.
Faut-il rappeler ici l’isolement tragique dans lequel s’étaient retrouvées des notoriétés comme Bourguiba, Bahi Ladgham, Hédi Nouira, Ahmed Ben Salah, Mohamed M’zali, Ahmed Mestiri, Mansour Moalla…, de hauts responsables respectables qui «ont cru, pourtant, avoir beaucoup fait pour la Tunisie indépendante».
Hélas, comme on dit, l’Histoire est un éternel recommencement: les Ben Ali, Trabelsi et El Materi, ces «kleptocrates» des temps modernes, n’en ont pas tiré la leçon et ont connu le même sort tragique sans toutefois ni le respect ni l’honneur.
Le trio mafieux Ben Ali-Trabelsi-El Materi a été également victime des Tunisiens corruptibles, c’est-à-dire d’une armada de personnes disposées à se laisser corrompre. Ces derniers étaient fort nombreux. Ils évoluaient dans tous les métiers et se bousculaient pour servir les membres de la famille royale. Ils étaient patrons, banquiers, hauts cadres, universitaires, commissaires aux comptes, médecins, juges, avocats, directeurs de journaux, agriculteurs, ingénieurs, diplomates, femmes, jeunes…
Tous ces sbires s’ingéniaient à alerter et à informer les membres de la famille royale de toute opportunité d’investissement juteuse: terrains agricoles à acquérir, domaines de l’Etat à s’approprier, entreprises publiques à acheter, belles femmes et jeunes hommes riches à marier “politiquement“, yachts, avions privés…
La mafia politique et administrative (ministres, gouverneurs, délégués, maires, juridictions…) fait le reste et légitime des biens mal acquis.
Même des patrons étrangers, de peur de perdre leur carte de séjour et leurs intérêts en Tunisie, ont dû, après consultation de leurs ambassades, graisser la patte aux membres de ce trio mafieux.
C’est pour dire que la corruption, système mafieux en vertu duquel le corrupteur cherche à obtenir de manière illicite des avantages, et le corrompu à obtenir une rétribution en échange de sa bienveillance, était une culture générale dans le pays, et presque, la totalité de la société y contribuait de manière directe ou indirecte (passive).
Abdelfettah Amor, président de la Commission d’investigation sur les affaires de corruption et de malversation, avait totalement raison de déclarer, en connaissance de cause, que «la Tunisie vivait, du temps du président déchu, sous le joug d’un système de corruption et de malversation bien organisé, un système qui s’est consolidé progressivement et a exercé sa mainmise sur l’Etat et la société».
Dans le même contexte, interpellé sur le retard qu’accuse l’examen de certains dossiers de corruption par la justice, le ministre de la Justice, Lazhar Karoui Chebbi, a déclaré que ce retard est dû au fait «que ces dossiers mettent en cause la plupart des chefs d’entreprise tunisiens et exigent des expertises et audits sophistiqués».
Moralité: que cela déplaise ou non à certains membres de la Haute instance pour la réalisation des objectifs de la révolution et la Centrale patronale, qui ont très mal régi à ces déclarations, la corruption est bel et bien une triste réalité en Tunisie. Il faut beaucoup de temps, pour ne pas dire toute une révolution culturelle, pour l’éradiquer.
La Tunisie can do it.