Le gouverneur de Sousse vient d’annoncer que les habitants d’Aïn Medhaker, qui confisquent le matériel de la cimenterie d’Enfidha, seront invités de rendre ce matériel dans deux jours. Sinon des dispositions nécessaires seront prises conformément à la loi pour que la Société des Ciments d’Enfidha (SCE) reprenne ses activités.
Retour sur un conflit qui n’a que, aux yeux de beaucoup, trop duré pour une cimenterie qui assure 25% des besoins du pays.
La décision annoncée par Béji Caïd Essebsi, Premier ministre du gouvernement de transition, le lundi 5 septembre 2011, d’appliquer à la lettre l’état d’urgence amènera-t-elle une solution définitive au conflit de la Société des Ciments d’Enfidha (SCE)? Un conflit qui dure depuis le mois d’avril de cette année et qui n’a que trop duré: l’entreprise est fermée.
Cela semble être le cas. Le gouverneur de Sousse a annoncé, samedi 10 septembre 2011, que les représentants des habitants d’Aïn Medhaker, une localité rentrée en « conflit » avec la SCE , seront invités à rendre le matériel de la cimenterie qu’ils ont confisquées et qu’ils disposeront de deux jours (48 heures) pour le faire sinon les dispositions nécessaires seront prises conformément à la loi pour que les choses rentrent dans l’ordre .
Tout commence en avril 2011 lorsque les habitants de la localité de Aïn Medhaker, située à proximité de la cimenterie d’Enfidha, et notamment d’une carrière qui sert à l’extraction de la matière première utilisée par la cimenterie, se révoltent évoquant de nombreux dommages.
Confiscation de matériel
Les habitants de cette localité évoquent, donc, des nuisances pour leur santé dues aux poussières et des détériorations de leurs habitations qui ont été fissurées du fait de l’usage des explosifs.
Ils ne s’arrêtent pas là. Ils confisquent du matériel de la cimenterie, notamment des engins, afin de l’obliger à arrêter sa production. Les employés de l’entreprise sont alors réduits au chômage technique.
Aussitôt de nombreuses parties tentent d’engager une négociation avec les habitants en vue de dépasser le conflit: les autorités régionales et locales, la SCE , l’UGTT…
Les négociations aboutissent notamment grâce à l’octroi d’une indemnisation d’une centaine d’habitants d’Aïn Medhaker, estimée, dit-on, à 200 dinars par habitant. Les informations les plus contradictoires circulent, à ce propos, concernant l’évolution de la situation.
L’entreprise ouvre momentanément ses portes et ses quelque 800 employés, engagés d’une manière directe et indirecte, sur le site d’Enfidha, reprennent donc du service.
Une indemnité de 3.000 dinars
Mais un nouveau rebondissement voit le jour. Un groupe d’habitants d’Aïn Medhaker confisque de nouveau du matériel de la cimenterie obligeant l’entreprise à fermer de nouveau ses portes.
De nouvelles revendications voient le jour. Mais de quoi s’agit-il? Les habitants de ladite localité, ou du moins ceux venus négocier en leur nom, souhaitent accélérer le développement de leur localité (routes, éclairage…), réhabiliter les habitations fissurées et… l’octroi d’une indemnité de 5.000 dinars par an pour les quelque 1.200 familles de la localité.
Les habitants demanderaient, aujourd’hui, le versement en guise de dédommagements d’une indemnité de 3.000 dinars (d’une manière définitive) et d’une autre indemnité de 1.000 dinars par an.
Les négociations reprennent. Elles permettent de créer un fonds de développement d’Aïn Mdhaker financé et par la SCE et par les autorités régionales.
L’accord fixe des délais pour l’exécution des actions de développement et prévoit l’embauche de jeunes de la localité en fonction des possibilités de l’entreprise.
Les négociations achoppent, toutefois, sur un point: l’indemnisation des familles d’Aïn Mdhaker auxquelles les négociateurs tiennent plus que la pupille de leurs yeux. «Ce sera pour eux, nous dit une personne qui a suivi le dossier, cela ou rien».
Au centre des négociations –il ne faut pas l’oublier- la pollution générée par l’utilisation par la cimenterie du «coke de pétrole». Le coke de pétrole, ainsi nommé par analogie avec le coke produit à partir du charbon, est un coproduit des raffineries de pétrole. Il est produit par un procédé d’amélioration des coupes très lourdes de pétrole (en général les résidus de la distillation sous vide), la cokéfaction, qui permet d’en extraire des hydrocarbures légers. Il est considéré par les habitants comme dangereux et ne faisant, donc, pas bon ménage avec l’environnement et leur santé.
Pas d’indemnisation sans décision de justice
La direction de la cimenterie ne l’entend pas de cette oreille, considérant que ce produit est accepté internationalement. Elle estime, par ailleurs, qu’elle est contrôlée régulièrement par l’ANPE (Agence nationale de protection de l’environnement).
Elle souligne, en outre, s’être engagée dans des études pour adopter des énergies alternatives.
A ce propos, certaines sources soutiennent que seulement 5% des logements de la localité d’Aïn Medhaker sont fissurés.
La cimenterie est de nouveau fermée; elle est obligée de le faire, son matériel étant encore confisqué par les habitants qui refusent de lâcher prise. Et ce malgré les actions de la SCE qui a lancé des actions d’aide, réfection d’une école, embauche de huit personnes, suivi de la qualité de l’eau, aide à la collecte des déchets…
Les habitants avancent, au fur et à mesure de l’avancement des négociations, de nouvelles revendications: édification de nouvelles infrastructures (école, dispensaire, adduction d’eau potable…), création d’emplois et prise en charge des études des enfants des habitants de la localité… Avec la menace de mettre le feu au matériel confisqué si les revendications n’aboutissent pas. Du moins certains habitants auraient proféré ce type de menace.
La SCE reste disposée, encore, cela dit, à engager des actions en matière de développement. Elle ne peut servir, cependant, des indemnités sans que soit engagée une action en justice. En clair: elle acceptera de payer les indemnités décidées par un juge.
Encore un nouveau rebondissement, qui fait réagir le syndicat de base de la cimenterie, qui craint pour les emplois, et est, donc, contre la fermeture de la SCE: la décision de la SCE d’engager un sous-traitant pour assurer le gardiennage de la cimenterie. Le syndicat de base estime que cette fonction doit être prise en charge par les employés de la cimenterie.
On n’est pas, pour ainsi dire, sorti de l’auberge. La cimenterie continue d’être fermée et ses employés en chômage depuis août 2011.
Il s’agit d’un fleuron de l’industrie en Tunisie. Rentrée en fonction en 1983, la SCE assure 25% des besoins du pays et produit 1,8 million de tonnes de ciment par an.
Elle a, de plus, selon des sources, un impact direct sur quelque 300 mille emplois dans des secteurs liés à l’activité.
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