L’imbroglio institutionnel dont pâtit la gouvernance du développement régional en Tunisie, depuis un demi-siècle, a été évoqué plus haut. Les confusions, les redondances et les conflits de compétence, engendrés par cet imbroglio, qui se traduit en pertes de temps et de ressources considérables, affectent les centres de décision (les départements ministériels), l’administration des régions (les gouvernorats) et la gestion des collectivités locales (les municipalités), tout à la fois.
La création d’un ministère autonome, en charge du développement régional
Une novation significative
La création, le 18 Janvier 2011, d’un ministère autonome, en charge du développement régional et du développement local, dans un premier temps, et du développement régional stricto sensu, dans un second temps, constitue incontestablement une novation historique, qu’il convient de mettre à l’actif du gouvernement de transition. Cette novation institutionnelle porte une triple signification:
· elle témoigne d’abord d’une prise de conscience sans précédent de l’urgence d’affranchir la gouvernance macroéconomique du développement régional dans notre pays des tutelles directes et indirectes auxquelles elle était soumise : celle du ministère du plan (ex-ministère du développement) et celle du ministère de l’intérieur, au titre du ‘développement local’, notamment. L’affranchissement de cette gouvernance de la dyarchie, qui la contraignait, et son unification sous l’égide du ministère du développement régional, nouvellement créé, devenaient, en effet, incontournables. Le développement régional tunisien post-révolutionnaire avait besoin d’une vision globale, cohérente et d’un management au sommet performant, et comptable de résultats concrets aux yeux d’une opinion publique nationale révoltée contre les turpitudes d’une gestion passée défaillante.
· Cette novation institutionnelle est porteuse d’une autre signification. En nommant à la tête de ce nouveau département ministériel, dès sa création, un des hommes politiques nationaux les plus en vue, Ahmed Nejib Chebbi, leader d’un parti, longtemps interdit par le pouvoir déchu, le gouvernement provisoire avait voulu montrer aussi que le développement régional devrait compter désormais parmi les ministères politiques majeurs.
· Cette novation institutionnelle, enfin, vise à refonder le rapport qui lie le gouvernement en général, le ministère du développement régional, et la région. La nouvelle vocation du ministère « n’est pas d’être le représentant du gouvernement, mais d’être l’interprète des intérêts de la région auprès du gouvernement», affirmait récemment, le Professeur Abderrazak Zouari, successeur de M. Chabbi à la tête du département.
Un ministère encore dans le flou
Certes, et comme nous l’évoquions précédemment, toute réorganisation institutionnelle en profondeur de la gouvernance du développement régional dans notre pays n’est pas du ressort d’un gouvernement de transition, dont la durée de vie a été fixée successivement, en fonction des vicissitudes de la vie politique tunisienne, post- 14 Janvier 2011: à 40 jours, dans un premier temps ; puis à six mois, dans un second temps ; puis à 9 mois, dans un troisième temps Toutefois, la fixation de termes de référence clairs délimitant le champ de compétences du nouveau département créé demeure, elle, non seulement du ressort du gouvernement de transition, mais aussi une priorité absolue pour ce dernier. Et ceci d’autant plus que la mauvaise administration passée du développement régional a été, comme on le sait, instrumentale dans l’éclatement de la première révolution dans l’histoire de la République tunisienne…
Deux décisions qu’il faudrait bien prendre
* Transférer la tutelle sur le développement local du ministère de l’intérieur au ministère du développement régional
La première décision qui nous semble importante à prendre est de transférer le développement local du département de l’intérieur et d‘en confier la gestion et la tutelle au ministère du développement régional, nouvellement créé. Une telle réorganisation, un moment envisagée, il est vrai, par le gouvernement de transition de M Med Ghannouchi, mais vite rangée aux oubliettes sous l’effet de pressions politiques, est logique et pertinente, à la fois. Elle permet, en effet, de mettre fin à un gaspillage de temps et d’argent, devenu intolérable.
*Couvrir l’action du ministre du développement régional de l’autorité du premier ministre
L’autre décision qui devrait être adoptée aussi consiste à rattacher directement le département en question au premier ministère et de faire de son titulaire un ministre délégué auprès du premier ministre, en charge du développement régional et local. La pertinence d’une telle proposition est évidente. Le développement régional est une activité de type horizontal, trans-sectoriel, trans-ministériel. Cette activité est faite d’arbitrages, de compromis, de recherche d’équilibres entre des intérêts et des contraintes sectoriels multiples et mouvants. De ce fait, le ministre en charge doit être investi, directement ou indirectement, d’une autorité que seuls le président de la république ou le premier ministre sont en mesure de lui conférer…
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