Tunisie : Ma philosophie de l’éducation

J’ai dû faire le tour des maternelles (jardins d’enfants) de ma ville, pour
réaliser que l’on a un modèle, une philosophie dominante, de l’éducation, et
quelques exceptions… souvent réservées aux plus nantis.

Il faut savoir que la petite enfance est la période la plus importante, pour la
formation non seulement mentale cartésienne de l’enfant (apprendre à compter, à
organiser des formes, etc.) parce que cela c’est rien, mais surtout pour la
formation des schémas mentaux qui vont guider toute la démarche avec laquelle il
va lire le monde et les choses qui l’entourent, y réfléchir et y agir.

Justement, il faut savoir que le plus important n’est pas le contenu de la
connaissance transmise, mais la façon de la transmettre. Car c’est cette façon
qui va forger, dans l’usage, c’est-à-dire avec la pratique et la répétition
quotidienne, les schémas mentaux de l’enfant: quelles catégories mentales il
aura constituées dans sa tête, et comment effectuer le lien entre ces
différentes catégories. Ca s’appelle une carte cognitive. Autant dire une carte
pour lire le monde, exactement comme on cherche une route sur une carte en
géographie.

Et à la fin, c’est la configuration de ces schémas mentaux différents, des uns
et des autres, qui fera que certains sont intelligents et certains ne le sont
pas. L’intelligence revient en fait à une capacité d’autant plus grande de
constituer des catégories mentales et des liens entre elles.

Ca revient aussi à dire que l’intelligence n’est pas qu’innée, et que ça se
travaille. Un enfant bien encadré aura, de fait, des chances de développer plus
de catégories et de liens mentaux. Et c’est même traduisible en termes
biologiques, car le cerveau est fait de réseaux de neurones, et plus on a des
réseaux activés et renforcés, plus on est «intelligent».

Où je veux en venir…?

J’ai constaté que la norme, ou ce qui est à la mode en matière pédagogique, chez
les tout petits déjà, c’est de faire du bourrage de crâne. On est content quand
on fait faire beaucoup de choses à son enfant à la maternelle, mais il y a
choses et choses. On croirait que le must c’est de remplir le crâne de l’enfant
au maximum; cela fera de lui un élève brillant, un bachelier distingué, et un
docteur en maths, peut être… Sauf que cette personne, même potentiel docteur en
maths, ne saura résoudre que les équations qu’elle aura étudiées, et ne saura
parler que de cela, ni de philosophie, ni de culture, ni de biologie, et j’en
passe. Une personne qui n’achètera jamais une revue qui parle de neurosciences,
ou des dernières technologies d’irrigation (en agriculture).

Vous vous dites sans doute que j’exagère. Non, je ne pense pas. Les médias
viennent rajouter de l’eau à la boue, en nous proposant des contenus extrêmement
médiocres, inhibant toute activité mentale…en gros, qui rendent bête. On est
devenus des sortes de moutons, avec des yens écarquillés, en permanence devant
des écrans.

On dit des Tunisiens qu’ils ont la tête bien remplie, mais mal organisée. Il y a
d’ailleurs des Tunisiens partout, à la NASA, dans les spécialités les plus
pointues en chirurgie, etc. Et plus loin que ça, tout le monde est capable de
tout, à la base….

Sauf que c’est justement l’environnement, et précisément celui de la petite
enfance, qui va frayer/forger des réseaux de neurones pluriels, ou quelques
«autoroutes» de neurones, pour faire des tâches –cognitives- très particulières,
et rien d’autre.

Alors de grâce ne remplissez pas le crâne de vos enfants dès leur jeune âge,
laisser les jouer, découvrir, dessiner, fabriquer un coup par-ci, et casser un
autre par-là; regarder des documentaires sur des animaux, sur le soleil, sur le
corps humain, etc. Répondez à leurs questions, et ne dites pas «c’est comme ça,
tu comprendras quand tu seras grand»… Autrement dit «fous-moi la paix!» Au
contraire, poussez-les à être curieux, à s’interroger, à réfléchir d’eux-mêmes.

L’enfant est un feu à allumer, pas un vase à remplir.

Faut-il rappeler que le premier mot du coran incite à chercher le savoir…!