«Je t’aime, moi non plus!», telle est la relation entre le citoyen et l’agent de sécurité, après la révolution du 14 janvier. Les tensions qui existaient bel et bien du temps de l’ancien régime se sont accentuées, déniant toute légitimité à l’appareil sécuritaire. Le manque de confiance dans cet appareil est l’une des problématiques qui requiert la construction de nouvelles bases pour cette relation.
A l’instar de tous les autres domaines, le domaine sécuritaire a connu des malversations, des dépassements propres à lui. La réforme est plus qu’une revendication mais une nécessité pour assainir le climat social dans le pays et établir la réconciliation nationale. Le ministère de l’Intérieur, qui était un instrument aux mains de l’ancien régime, prépare actuellement un programme de réforme.
Le premier pas a été lancé ce jeudi 22 septembre 2011 au cours d’un colloque ayant pour thème «Sécurité et développement: dialectique de la structure et de la fonction». Un colloque auquel ont été invités les partis politiques, la société civile et évidemment les cadres du ministère de l’Intérieur, pour réfléchir sur une vision commune de la réforme sécuritaire dans le pays. «Une première», lance Iyadh Ben Achour, président de la Haute instance pour la protection de la révolution, «puisque jamais on ne pouvait prendre part à de telles réunions et que les responsables sécuritaires soient aussi visibles aux yeux du public à travers les médias».
Système démocratique…
L’événement qui se poursuivra jusqu’au 24 septembre traitera de tous les aspects et propositions de réforme, à savoir la création d’un ministère des Services de sécurité, le rôle des collectivités locales, les exigences constitutionnelles, législatives et politiques de la réforme. Il s’agit aussi de la sécurité humanitaire, du déploiement sécuritaire, de la police de proximité, de la déontologie policière et du rôle des renseignements dans la sécurité.
«La solution est dans le système démocratique», affirme M. Ben Achour pour qui il n’est pas possible de demander des comptes à l’agent de sécurité qui ne fait qu’exécuter les ordres. «La responsabilité des dépassements de l’appareil sécuritaire doit être assumée par les hommes politiques. Le principe d’obéissance est bien connu dans le domaine sécuritaire et on ne peut condamner les agents de sécurité que pour des actes criminels», insiste-t-il. Une réflexion qui s’accorde bien avec les efforts de réconciliation.
Respect des principes…
Pour Haykel Ben Mahfoudh, chercheur dans le domaine sécuritaire, le premier chantier auquel il faut s’attaquer est la construction d’une nouvelle légitimité du système sécuritaire pour pallier au manque de confiance. Il s’agit de mettre en place une politique sécuritaire claire, par l’évaluation des besoins sécuritaires, leur légalisation et la définition des priorités. «Mais le plus important est de s’approprier cette politique et la réforme qui s’ensuit, appliquer les principes de bonne gouvernance, du respect de la loi et de la transparence», estime-t-il.
Selon lui, 1.740 textes juridiques réglementent le secteur sécuritaire, publiés durant la période 1952-2011. On compte 1.300 textes qui sont encore exécutés alors qu’ils ne répondent pas suffisamment aux principes cités ci-dessus. Pour M. Ben Mahfoudh, il ne faut pas se suffire à des réformes partielles mais à une réforme de tout le système.
Police républicaine…
Mais pour Mohamed Lassâad Derbez, commissaire général de police, la réforme doit émaner d’un consensus entre les différentes parties concernées. Il propose un schéma directeur qui s’appuie essentiellement sur trois axes. Le premier axe consiste à réviser les missions des agents de sécurité et leurs prérogatives, essentiellement au niveau des unités sécuritaires. Le fait est qu’il n’y a pas une différenciation entre les missions de chaque unité.
Le deuxième axe concerne le déploiement sécuritaire. Un déploiement que M. Derbez affirme être à deux vitesses. Il propose que la capitale, vu son importance, se dote d’une composition spéciale alors que pour les régions, il faudrait assurer un équilibre au niveau des forces de sécurité présentes.
Le troisième axe consiste en la révision du système des ressources humaines. Il s’agit d’améliorer la formation dans le domaine, les recrutements et assurer un cursus professionnel pour les agents de sécurité et cadres du système sécuritaire. «Il est essentiel d’assurer l’équilibre entre l’effort consenti et la rémunération et le statut social pour que l’agent soit efficace.
Ceci lui procure une immunité pour les dépassements. L’objectif est de fonder une police républicaine et citoyenne qui soit au service du citoyen et non du régime quel qu’il soit», lance-t-il.
D’un autre côté, M. Ben Mahfoudh signale que le droit du citoyen dans la sécurité doit être inscrit dans la Constitution. «La sécurité est un service aux yeux du pouvoir mais c’est un droit aux yeux du citoyen qui est même au-dessus de la liberté», estime-t-il.