Un nouveau rapport de la Banque mondiale intitulé “Middle East and North Africa
Economic Developments and Prospects: Investing for Growth and Jobs“ met en
évidence l’importance des liens entre la bonne gouvernance, fondée sur l’égalité
des règles d’intervention juridiques et réglementaires, et la capacité des
investissements à stimuler la croissance.
«Quand on examine l’exemple d’autres pays en transition, il apparaît que
l’investissement a connu un réel essor dans de nombreux pays qui sont intervenus
rapidement pour améliorer la gouvernance», déclare Caroline Freund, économiste
en chef pour la Région Moyen-Orient et Afrique du Nord à la Banque mondiale.
«D’une manière générale, l’amélioration des institutions publiques est une
nécessité pour donner voix au chapitre à la population et promouvoir l’éthique
de responsabilité, mais elle l’est tout autant pour la croissance et
l’utilisation avisée des ressources».
Selon elle, pour relancer l’investissement à des niveaux supérieurs à ceux
d’avant le Printemps arabe, il faut prendre d’urgence le chemin de la
transparence et de la responsabilité publique.
Le rapport montre que la Région Moyen-Orient et Afrique du Nord (MENA) a connu
un niveau d’investissement soutenu au cours des deux dernières décennies par
comparaison avec l’Amérique latine et l’Europe de l’Est.
Toutefois, dans les pays exportateurs de pétrole tels que l’Algérie et Oman, ces
niveaux ont été principalement soutenus par un investissement public massif et
croissant. A contrario, les importateurs de pétrole comme l’Égypte et le Maroc
ont plutôt enregistré une poussée de l’investissement privé, qui s’est accru au
cours des dernières années.
L’une des craintes que suscite l’investissement public dans les pays en
développement exportateurs de pétrole est qu’en l’absence d’une bonne
gouvernance, rien n’atteste que ce type d’investissement stimule la croissance.
À l’inverse, dans les pays dotés de solides institutions juridiques et d’un
degré adéquat de protection des droits de propriété, il existe une forte
corrélation entre investissement public et croissance. Par ailleurs,
l’investissement public ne saurait être substitué à l’investissement privé,
surtout en cas de mauvaise gouvernance.
«Quand un pays est bien gouverné, les investissements publics tendent à
amplifier les investissements privés, car ils fournissent les réseaux
énergétiques, routiers, logistiques et les moyens de communication dont les
entreprises ont besoin pour produire», ajoute Mme Freund. « Dans le cas inverse,
ils auront tendance à évincer les investissements du secteur privé en captant
des ressources que ce dernier aurait pu utiliser. De plus, il se peut que
l’investissement public ne stimule pas la croissance puisqu’il est consacré à
des actifs non productifs qui ne profitent qu’à des groupes d’intérêt
particuliers».
Le rapport présente en outre de solides arguments démontrant que
l’investissement privé dans les services et l’industrie manufacturière est un
moteur d’emplois et de croissance des revenus dans la région.
Il fournit des éléments attestant que le gros de l’investissement
étranger direct (IED) apporté à la région est absorbé par l’immobilier et le
secteur des hydrocarbures, alors que la plupart des emplois en rapport avec l’IED
sont en fait créés dans le secteur manufacturier.
«Les services et l’industrie manufacturière, c’est là que les choses bougent»,
fait valoir Elena Ianchovichina, économiste principal pour la Région MENA et
principal auteur du rapport. «Le secteur des services a été une source de
solidité tant pour le revenu que pour l’emploi, en termes aussi bien de volume
que de croissance, notamment dans les pays importateurs de pétrole. Le secteur
manufacturier a aussi contribué à la croissance des revenus et des emplois, bien
qu’il reste relativement peu développé en MENA par comparaison avec le Brésil,
l’Indonésie, la Malaisie et la Turquie, par exemple».
De son point de vue, le secteur public n’a pas été en mesure, pendant les
dernières années, de créer les emplois séduisants et de qualité généralement
visés par les diplômés, et le secteur privé n’a pas été assez dynamique pour
combler l’écart.
Comme dans ses précédentes éditions, le rapport analyse aussi les perspectives
macroéconomiques à court terme. Il prévoit une croissance moyenne de 4,1% en
2011 et de 3,8% en 2012 dans la Région MENA.
Malgré un ferme rappel de l’incertitude prévalant dans le monde, les prévisions
pour 2011 ont été remontées d’un demi-point de pourcentage par rapport aux
projections de mai 2011 en raison des politiques budgétaires expansionnistes
adoptées dans la région, de l’augmentation de la production pétrolière (sauf en
Libye), d’une croissance supérieure aux attentes en Iran et d’une reprise plus
rapide que prévue de la production industrielle en Égypte. En 2012, la
croissance devrait s’infléchir d’un demi-point du fait de la baisse attendue des
prix pétroliers et d’un ralentissement de la croissance mondiale.
À la différence de 2008 où les pays de la région étaient bien placés pour
traverser la tempête, les incertitudes politiques et économiques du moment ont
fragilisé plusieurs d’entre eux qui sont en moins bonne posture pour riposter de
nouveau à une autre récession mondiale.
Conjuguée à une contraction de la demande mondiale, la baisse des prix
pétroliers exercera des pressions accrues sur les soldes budgétaires de nombreux
pays en développement exportateurs de pétrole, surtout en cette époque
d’augmentation des dépenses publiques. La baisse des produits pétroliers sera un
soulagement pour les pays en développement importateurs de pétrole, mais ses
effets seront contrebalancés par un
recul des exportations et des envois de fonds, et ces pays jouiront d’une marge
de manoeuvre limitée pour doper leur économie.