Rapport sur la stabilité financière dans le monde – septembre 2011 Résumé analytique
Les risques pour la stabilité financière se sont considérablement aggravés durant ces derniers mois. L’affaiblissement des perspectives de croissance pèse sur les bilans publics et privés et rend d’autant plus redoutable la gestion de niveaux d’endettement très élevés. Dans beaucoup d’économies avancées les bilans publics sont fortement vulnérables à la montée des coûts de financement, en partie à cause du transfert des risques privés vers le secteur public. Vu les tensions que connaissent les finances publiques, les gouvernements doivent faire preuve d’une grande prudence dans la conduite de la politique budgétaire pour accompagner l’activité économique. Par ailleurs, la politique monétaire n’offre qu’une marge de manoeuvre limitée en matière de relance.
Dans cette conjoncture, la crise -qui en est maintenant à sa cinquième année – entame une nouvelle phase, plus politique (graphique 1.1).
Dans la zone euro, d’importantes mesures sont prises face aux problèmes actuels, mais des divergences politiques au sein des économies qui font l’objet d’un ajustement et entre les économies qui apportent leur concours ont empêché de parvenir à une solution durable. Par ailleurs, les États-Unis se heurtent à des doutes grandissants quant à la capacité du processus politique à parvenir au consensus nécessaire sur l’ajustement budgétaire à moyen terme, lequel revêt une importance cruciale pour la stabilité mondiale. Comme les dirigeants politiques dans ces économies avancées n’ont pas encore mobilisé le vaste soutien politique permettant de renforcer suffisamment la stabilité macroéconomique et d’exécuter les réformes propices à la croissance, les marchés ont commencé à remettre en question leur capacité à prendre les mesures nécessaires. La fragilité de cet environnement financier et politique attise les craintes de défaut de paiement et appelle une stratégie cohérente pour parer à la contagion et renforcer les systèmes financiers.
Le système financier international a été récemment malmené par une série de chocs : nouvelles turbulences sur les marchés issues de la périphérie de la zone euro, dégradation de la cote de crédit des États-Unis et signes de ralentissement économique. Dans la zone euro, les pressions que subissent les États menacent de re-déclencher une interaction négative entre le système bancaire et l’économie réelle.
Les tensions liées au crédit souverain dans les pays où les écarts de taux sont élevés auraient eu un impact direct estimé à quelque 200 milliards d’euros sur les banques de l’Union européenne depuis 2010, date du déclenchement de la crise de la dette publique. Cette estimation ne tient pas compte des besoins en fonds propres des établissements bancaires, ce pour quoi il faudrait procéder à une évaluation complète de leurs bilans et revenus. Elle vise plutôt à donner une idée approximative de l’augmentation du risque de crédit souverain assumée par les banques durant les deux dernières années.
Ces effets sont amplifiés par le réseau d’institutions financières étroitement interconnectées et faisant fortement appel à l’effet de levier.
Lorsque l’on tient compte des engagements interbancaires dans ces mêmes pays, l’ampleur des contagions s’accroît d’environ de moitié.
Dans certaines économies, les banques ont déjà perdu l’accès aux marchés de financement privé. Le risque s’en trouve accru d’assister à une inversion plus grave du levier financier, à une contraction du crédit et à un ralentissement de l’activité économique, à moins que des mesures pertinentes soient prises pour maîtriser les sources du risque souverain -à la faveur de stratégies crédibles de rééquilibrage budgétaire- et les conséquences éventuelles pour le système financier -en renforçant la solidité des banques.
La présente édition du Rapport sur la stabilité financière dans le monde signale que le bas niveau des taux directeurs, bien que nécessaire dans la conjoncture actuelle, peut renfermer des menaces à plus long terme pour la stabilité financière. Face à une croissance qui reste atone dans les économies avancées, le maintien de taux faible est une riposte logique.
Cependant, dans bon nombre de ces économies certains secteurs ne sont pas sortis de la phase de correction-redressement du cycle du crédit faute d’avoir entièrement assaini leurs bilans, tandis que par ailleurs la quête du rendement incite d’autres secteurs à recourir davantage au levier financier, au risque de redevenir vulnérables. Qui plus est, l’existence de taux faibles oriente la création de crédit vers des structures plus opaques, telles que le système bancaire parallèle. Ces phénomènes augmentent le risque d’un renversement plus abrupt et intense du cycle du crédit, et partant d’une plus grande détérioration de la qualité des actifs en cas de nouveaux chocs.
L’accélération de la remise en état des bilans et l’adoption de politiques macro-prudentielles appropriées peuvent contribuer à maîtriser ces risques.
Les économies émergentes se trouvent à un stade plus avancé du cycle de crédit. Des perspectives de croissance plus encourageantes et des fondamentaux plus solides -à quoi il faut ajouter le bas niveau des taux d’intérêt dans les économies avancées- attirent les flux de capitaux. Ces entrées ont contribué à alimenter l’expansion de la liquidité et du crédit intérieurs et à doper le levier financier des bilans ainsi que les prix des actifs. Là où les politiques manqueront de rigueur, il pourrait se produire une surchauffe, une accumulation graduelle de déséquilibres financiers et une détérioration de la qualité des crédits, car d’après les prévisions, les prêts improductifs devraient s’alourdir considérablement dans certaines régions.
Par ailleurs, les économies émergentes ne sauraient exclure les risques d’inversions brutales provoquées par un affaiblissement de la croissance mondiale, des sorties soudaines de capitaux ou une augmentation des coûts de financement pouvant fragiliser les banques locales. Le présent rapport constate que les ratios de fonds propres des banques des économies émergentes pourraient perdre jusqu’à 6 points de pourcentage dans un scénario grave combinant plusieurs chocs. Les banques d’Amérique latine sont plus vulnérables aux chocs des termes de l’échange, tandis qu’en Asie et dans les pays émergents d’Europe elles sont plus sensibles à une montée des coûts de financement.
Les risques s’accentuent et le temps presse pour corriger les vulnérabilités qui menacent le système financier mondial et l’actuelle reprise. Les économies avancées doivent avant tout s’attaquer aux séquelles de la crise et mener à terme les réformes de réglementation financière dans les plus brefs délais, afin de renforcer la résilience du système. Les économies émergentes doivent limiter l’accumulation de déséquilibres financiers tout en jetant les bases d’un dispositif financier plus robuste. De manière plus précise:
– Des politiques cohérentes s’imposent pour réduire les risques souverains dans les économies avancées et prévenir la contagion. Le sommet de la zone euro du 21 juillet et les annonces ultérieures de la Banque centrale européenne sont autant de jalons importants sur la voie du renforcement du dispositif de gestion de crise de la zone euro. Il est cependant vital d’assurer la mise en oeuvre rapide des mesures convenues et d’envisager d’autres améliorations au cadre de gouvernance économique et financière de la zone. Les États-Unis et le Japon doivent s’attaquer aux risques liés aux finances publiques avec des stratégies propres à rééquilibrer la politique budgétaire à moyen terme, d’autant que les retombées économiques et financières à l’échelle mondiale seraient graves et nombreuses si les problèmes budgétaires américains ne recevaient pas une réponse adéquate.
– Des efforts crédibles sont nécessaires pour accroître la résilience du système financier et prévenir les excès. Des mesures de finances publiques appropriées, parallèlement à des initiatives destinées à renforcer les banques grâce au redressement de leur bilan et au déploiement de volants adéquats de fonds propres, pourraient aider à briser le lien entre risques souverains et banques. Si, par sa politique budgétaire, un pays réussit à rétablir la viabilité à long terme de ses finances publiques, sa prime de risque souverain diminuera, ce qui atténuera les tensions sur les banques. Cela dit, compte tenu de l’aggravation des risques et des incertitudes -et de
la nécessité de convaincre les marchés- certaines banques, notamment celles qui dépendent fortement des financements de gros et sont exposées à des dettes publiques plus risquées, devront sans doute également accroître leurs fonds propres. Qui plus est, le volume de capitaux additionnels qui serait requis dépendrait aussi, en partie, de la crédibilité des politiques macroéconomiques engagées pour corriger les causes des risques souverains. La constitution de volants de fonds propres aiderait également à promouvoir le crédit au secteur privé. Les établissements bancaires fragiles devront faire l’objet d’une restructuration ou d’une résolution. Tous les besoins en fonds propres devront être couverts par des sources privées dans la mesure du possible, mais dans certains cas des injections de fonds publics pourraient être nécessaires et appropriées pour des banques viables. Des mesures macro-prudentielles plus énergiques pourraient être requises pour maîtriser les risques liés à une période prolongée de faibles taux d’intérêt et au cycle du crédit.
– Dans le monde émergent, les gouvernements doivent se prémunir contre les risques de surchauffe et l’accumulation de déséquilibres financiers, en adoptant des politiques économiques et financières appropriées. Les tests de résistance montrent qu’il y a des raisons de renforcer davantage les bilans dans de nombreuses économies émergentes.
– Le programme de réformes financières doit être mené à terme dans les plus brefs délais et mis en oeuvre à l’échelle internationale de manière cohérente. À cet égard, il faut notamment boucler Bâle III, traiter les établissements d’importance systémique et relever les défis issus du secteur bancaire parallèle.
Le chapitre 2 du rapport, intitulé «Investisseurs à long terme et allocation d’actifs : état des lieux», examine les forces qui déterminent l’allocation d’actifs à l’échelle mondiale des investisseurs institutionnels à long terme qui placent leurs propres fonds, et les effets durables que pourrait avoir la crise sur leur comportement. Il apparaît que les caisses de retraite publiques et privées, les compagnies d’assurances et les gestionnaires d’actifs à leur service ont modifié leur comportement durant la crise, en se délestant d’actifs risqués et illiquides. Le chapitre précise que le mouvement généralisé vers les titres plus surs et plus liquides risque de limiter le rôle stabilisateur que les investisseurs à long terme peuvent jouer sur les marchés mondiaux.
Le chapitre constate une accélération de la tendance à long terme vers les actifs des marchés émergents. Les principaux déterminants en sont les solides perspectives de croissance économique et la perception de risques-pays plus faibles, plutôt que les différentiels de taux d’intérêt. Les retraits des fonds de placement en actions et obligations des marchés émergents pourraient être considérables -voire, dans certains cas, dépasser ceux constatés durant la crise- si les facteurs fondamentaux qui alimentent ces placements venaient à changer. Cette menace met en évidence que ces économies doivent mener des politiques propres à entretenir une croissance solide et stable et la résilience du système financier.
Le chapitre 3, intitulé «Opérationnalisation des politiques macro-prudentielles : quand faut-il agir?», recherche des variables pouvant servir d’indicateurs de phénomènes d’importance systémique. Il constate que parmi les variables de crédit, une croissance annuelle d’un ratio crédit/PIB de plus de 5 points de pourcentage peut signaler un risque accru de crise financière à l’horizon de deux ans. Cela est notamment le cas si le crédit comprend des prêts directs d’établissements financiers étrangers. Il importe de souligner que les indicateurs liés au crédit sont beaucoup plus performants s’ils sont combinés à d’autres variables, car cela permet de mieux comprendre les causes sous-jacentes de l’augmentation du crédit. Cela réduit le risque d’une utilisation inappropriée des politiques macro-prudentielles lorsque l’expansion du crédit contribue à une saine croissance économique.
Enfin, le chapitre offre un éclairage sur l’application des instruments destinés à maîtriser l’accumulation de risques systémiques. Il examine en quoi les volants de fonds propres anticycliques, un important outil macroprudentiel, peuvent prévenir les cycles déstabilisateurs. Il est intéressant de constater que la capacité des fonds propres anticycliques à limiter le risque systémique ne dépend pas du régime de change.
Autrement dit, cet outil peut être largement utilisé dans plusieurs types d’économies. Globalement, le chapitre franchit un pas en avant dans la conception et la mise en application de dispositifs macro-prudentiels, thème qui fait l’objet d’intenses débats dans de nombreux pays depuis la crise.
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