li class=”auteur”>Synthèse de Omar Ouali
Ces cours des comptes et les médias sont appelés à dépasser la méfiance réciproque qui caractérise leur relation pour être partie prenante dans l’œuvre d’hygiène publique qu’est le combat contre la “démocratisation” de la corruption dans les pays du Maghreb.
Les Instituts supérieurs de contrôle (ISC) de Tunisie, du Maroc et de la Mauritanie, en collaboration avec la Deutsch e Gesellschaft fur Internationale Zusammenarbeit GmbH (GIZ), dans le cadre de son programme “Bonne gouvernance Maghreb”, et avec le soutien de la Banque mondiale et de la Banque africaine de développement ont organisé, à Tunis, dans le somptueux hôtel Tulipe Golden Palace, du 20 au 22 septembre, un séminaire intitulé: “Les institutions supérieures de contrôle et les médias, alliés pour une meilleure performance gouvernementale”.
Les représentants de la Cour des comptes algérienne ont brillé par leur absence. Officiellement, c’est pour cause de “procédures administratives”. Ce que les organisateurs et participants ont vivement regretté car leur présence aurait permis de donner davantage de pertinence et plus d’épaisseur à cette rencontre. Ceci pour l’anecdote.
Le choix du thème n’est pas fortuit; il est même au cœur de l’actualité maghrébine. Le jour même de la tenue de ce séminaire à Tunis, le Premier ministre tunisien, Béji Caïd Essebsi, prononçait à Gammarth un discours retentissant sur la nécessité de mettre en place un autre modèle social tunisien. D’accuser en creux, le régime déchu des Ben Ali et Trabelsi d’avoir érigé en Tunisie la corruption en modalité de gouvernance qui a laissé sur le carreau les régions du Sud d’où était partie, le mois de février, l’étincelle de la révolution du Jasmin. “L’un des principaux éléments déclencheurs de la vague d’indignation récente au Maghreb est la performance insuffisante des dirigeants dans le domaine qui ont un impact direct sur les conditions des populations de même que les trop rares possibilités de participation à la vie publique”, justifient les organisateurs dans un document introductif.
Pour eux, l’impératif transparence dans la mise en œuvre des politiques publiques ou, plus prosaïquement dit, la lutte contre la corruption, passe par une relation avec les médias. “Pour exercer le contrôle citoyen, les médias sont l’intermédiaire indispensable”, soulignent encore les organisateurs de la rencontre. Sauf que la relation qui existe actuellement entre Cours des comptes et organes de presse n’est pas en rapport avec les exigences de la conjoncture. C’est le constat unanime établi par les participants, lors des deux brainstormings de mardi organisés entre les journalistes et magistrats, qui ont travaillé séparément avant de collationner, dans la séance de l’après-midi, leurs réflexions.
De part leur vocation, les Cours des comptes sont astreintes à une réserve et communiquent très peu avec les médias, en dehors des communiqués très officiels annonçant chaque année la remise du rapport annuel au président de la République. Les magistrats tunisiens, marocains et mauritaniens ont admis volontiers l’existence de réserves, tout en cherchant à se défausser sur le pouvoir exécutif qui cherche, selon eux, à faire le black-out sur les rapports annuels, surtout quand ils pointent des incohérences dans la gestion des finances publiques. “Nous avons toujours travaillé en notre âme et conscience et nous n’avons jamais travesti les réalités dans les secteurs audités”, défend Mme Hedi Ben Azoun, magistrate à la Cour des comptes de Tunisie qui cherche ainsi à démentir le préjugé selon lequel les rapports annuels transmis au président Ben Ali étaient souvent édulcorés, voire enjolivés, pour ne pas l’irriter.
D’ailleurs, l’une des décisions prises par le président actuel est la publication des six derniers rapports qui, de l’avis des magistrats et de la presse tunisienne, sont loin d’être aussi complaisants que l’opinion le pensait.
Le deuxième aspect mis en relief, pour justifier la réserve des Cours des comptes, qualifiées de “grandes muettes” par un magistrat marocain, est le fait que “les journalistes cherchent le sensationnel et le scoop”. Ce qui est au regard des magistrats aux antipodes de leur mission qui exige prudence et sérénité.
Mais toujours est-il que les participants au séminaire de Tunis ont plaidé pour un partenariat ISC/média en vue d’une plus grande transparence dans la mise en œuvre des politiques publiques. Exit donc cette vieille relation de deux institutions qui se regardent en chiens de faïence. Il faut inventer une autre articulation de cette relation, ont unanimement plaidé journalistes et magistrats participant à ce séminaire.
Un certain nombre de propositions ont été faites dans ce sens. Ainsi, les journalistes, qui se sont plaints de la rétention d’informations par les ISC, ont souhaité “connaître d’avance les secteurs audités”, d’“avoir l’information au moment opportun”, d’“avoir une communication permanente avec les ISC” au lieu des communiqués laconiques qui suivent la remise du rapport.
De leur côté, les magistrats ont exprimé le souhait de voir à l’avenir les médias “informer le citoyen”, “informer le public sur la gestion des finances publiques”, “contribuer au débat citoyen”, “renforcer la transparence pour une meilleure gouvernance”. Une transparence qui se matérialiserait à travers des “journées d’informations et portes ouvertes” dans les Cours des comptes, “formation des journalistes” pour mieux comprendre le contenu des rapports et leurs non-dits, avant d’en informer le large public. Les magistrats ont, enfin, recommandé que les médias “exercent un pouvoir de suivi sur les recommandations des ISC”.
Cela de façon à ce qu’elles ne restent pas lettre morte, comme c’est le cas jusque-là.
En somme, le séminaire de Tunis constitue un appel à une refondation de la relation entre les médias et les Instituts supérieurs de contrôle (ISC). Une solution parmi d’autres pour combattre le chancre de la corruption à ciel que connaissent les pays du Maghreb.
Source : http://www.liberte-algerie.com/index.php