La réponse à cette question est oui au regard du potentiel qu’offre le rail en Tunisie et de la marge de manœuvre dont dispose le gouvernement pour développer ce mode de transport et surtout pour en faire profiter, au moindre coût, l’intérieur du pays lequel ne demande, en plus, que la réhabilitation de lignes mises en place, depuis l’époque coloniale.
Quelques chiffres pour être édifié sur la centralisation de ce mode de transport et sa concentration sur le littoral. Le réseau ferroviaire s’étend sur 2.167 Km. En 2009, le réseau a transporté 38,5 millions de passagers, dont 85% en banlieues de Tunis et de Sousse, et 9,3 millions de tonnes de marchandises dont 6,1 millions de tonnes de phosphate.
Avant le 14 janvier, la tendance était toujours à la centralisation. Le projet phare à l’époque était la réalisation, pour un coût de 3 milliards de dinars et sur une période de trois ans, dans le Grand Tunis, d’un réseau ferroviaire rapide (RFR) calqué sur le modèle du RER parisien.
Le réseau RFR, dont l’étude technico-économique est confiée au groupe français Systra, spécialisé dans le transport urbain et ferroviaire, est composé de 5 lignes sur une longueur globale de 86 kilomètres, y compris la ligne (A) déjà disponible, reliant Tunis à Borj Cédria (23 Km ). La première partie prioritaire du projet s’étend sur 29 kilomètres moyennant des investissements de l’ordre de 950 millions de dinars.
Après la révolution du 14 janvier, les choses ont radicalement changé. La tendance est plutôt au rééquilibrage entre l’est et ouest du pays. Des voix se sont élevées à Kasserine, Kairouan, Le Kef, Sfax et Gafsa pour réclamer légitimement la desserte de l’intérieur par le rail et la réalisation de métros dans les plus grandes villes (Sfax, Gafsa…).
Moralité: la priorité est accordée au désenclavement des régions intérieures et au développement régional.
Depuis, la Société nationale des chemins de fer de Tunisie (SNCFT), sous la houlette de l’ex-ministre de l’Equipement et du Transport, Yassine Brahim (du gouvernement de transition), farouche partisan du rail, avait esquissé un plan ambitieux pour développer le ferroviaire sur tout le territoire du pays.
Zoom sur une stratégie qui, pour peu qu’elle soit menée à terme, réduirait de manière significative la fracture entre l’est et l’ouest du pays et contribuerait à l’amélioration de l’urbanité de la Tunisie.
Outre la réouverture de la ligne Tunis-Le Kef, trois grands chantiers sont retenus comme des priorités. Il s’agit en premier lieu de la réhabilitation d’anciennes lignes ferroviaires et en la création de nouvelles. Ainsi, au grand bonheur des Kasserinois, la ligne Tunis-Kasserine sera réhabilitée. Sur une distance totale de 317 Km (Eh oui bien 317 Km), 135 Km seront renouvelés pour un montant de 162 millions de dinars (nous sommes bien loin des 950 MDT prévus pour financer la première tranche du RFR).
Pour 2011, cette ligne, qui traversera les gouvernorats de Ben Arous, Zaghouan, Siliana et Le Kef, mobilisera, dans une première tranche, 42 MDT dont 27 MDT pour l’acquisition d’équipements et le reste pour financer des travaux de protection de la ligne contre les inondations.
Toujours au chapitre des réhabilitations, la ligne Sousse- Kairouan sera également remise en service.
Au rayon des nouvelles lignes à créer, à signaler la ligne Enfidha–Kasserine via Kairouan et celle d’El Fahs–Siliana.
Le deuxième chantier consiste en la contribution tunisienne au fameux train Transmaghrébin, une ligne à grande vitesse qui devrait relier, à terme, l’Algérie, la Tunisie et la Libye. Le cahier des charges en vertu duquel les études de faisabilité technico-économique du projet seront élaborées, a été confié à la société belge Transurb. Une fois réalisée, cette ligne concurrencera l’autoroute transmaghrébine laquelle est, aujourd’hui, à un stade très avancé.
Le troisième chantier est une aubaine pour les équipementiers ferroviaires. En accompagnement des deux premiers chantiers, la SNCFT se propose de renouveler son matériel roulant vieux de 30 à 40 ans. Elle compte remplacer ses locomotives Diesel et électriques.
Parallèlement à ces liaisons ferroviaires interurbaines, de grandes villes commencent à revendiquer des métros. Les choses s’annoncent bien pour Sfax en ce sens où le 1er août 2011, la Banque européenne d’investissement (BEI) a accordé à la Tunisie un don de 620 mille euros destiné à financer l’étude de faisabilité technico-économique du métro de Sfax.
Quant à Gafsa, Dr. Zitouni Ezdin (neurologue), président de l’organisation non gouvernementale “Association Errakha“, propose, dans une approche développementale globale du sud du pays, des métros régionaux à l’instar de celui qui pourrait relier les villes du bassin minier (Redeyef, Oumlarayès, Metlaoui, Hezoua…).
Par delà ces projets ferroviaires salutaires pour l’écologie et l’économie du pays, il est du devoir des historiens de se pencher sur le rôle pervers qu’avaient joué la mafia politico-financière d’avant le 14 janvier, et sur celui de lobbies économiques (promoteurs touristiques formatés au balnéaire, concessionnaires automobiles cupides, assembleurs de véhicules roulants sans valeur ajoutée, hommes politiques viscéralement régionalistes…) dans la privation des régions de l’intérieur d’un mode de transport économique et propre.
A méditer.