éenne de Francfort. (Photo : Daniel Roland) |
[02/10/2011 08:30:47] FRANCFORT (Allemagne) (AFP) La BCE, qui tient jeudi sa dernière réunion sur les taux sous la présidence de Jean-Claude Trichet, a dû opérer une mutation et se retrouve en première ligne contre la crise face à des responsables politiques apparemment déboussolés.
Le mandat de la Banque centrale européenne (BCE), défini dans ses statuts, est de contribuer à la stabilité des prix via les taux d’intérêt qu’elle définit. Or depuis 2007, l’institution monétaire de Francfort a pris malgré elle de larges libertés avec ce cadre.
“La BCE est devenue une institution avec une action et des responsabilités de grande ampleur”, note Guntram Wolff, directeur adjoint de l’institut Bruegel à Bruxelles. Mais c’est davantage le résultat “de l’absence de gouvernance politique forte dans la zone euro” qu’une volonté de sa part, poursuit-il.
à Wroclaw en Pologne (Photo : Adam Nurkiewicz) |
Pour Paul de Grauwe, professeur d’économie à l’université de Louvain (Belgique), cette évolution était “inévitable” car elle est “la seule institution qui a les ressources (financières) pour agir”.
La BCE soutient les banques depuis le début de la crise financière en leur offrant des liquidités bon marché, et ne peut s’interrompre puisque les doutes subsistent sur la santé de certains établissements.
Depuis l’éclatement de la crise de la dette grecque au printemps 2010, elle soutient également les Etats en difficulté en achetant des obligations publiques sur le marché secondaire, dans l’espoir de faire baisser leur taux d’emprunt.
Cette dernière mesure, adoptée sous la pression de gouvernements aux abois, lui vaut les critiques virulentes des milieux économiques et de l’opinion publique en Allemagne, qui l’accusent de rompre avec son statut, inspiré de celui de la Banque centrale allemande. La Bundesbank, né du traumatisme de l’hyperinflation des années 20, symbolise pour les Allemands une totale indépendance face à un monde politique trop prompt à faire tourner la planche à billets.
Les rachats d’obligations publiques ont valu à la BCE de perdre en quelques mois à la fois son chef économiste, l’Allemand Jürgen Stark, et celui qui devait devenir son président le 1er novembre, l’ancien patron de la Bundesbank Axel Weber.
Pour Bruno Cavalier de Oddo Securities, la position orthodoxe allemande “se défend lorsque les conditions d’activité sont normales”. Mais “avec la crise souveraine généralisée, on s’aperçoit qu’une Banque centrale ne peut pas tenir cette indépendance”, analyse Sylvain Broyer, chef économiste chez Natixis.
La BCE devrait être bientôt déchargée des achats d’obligations par le fonds de soutien européen (FESF). Mais nombre d’analystes jugent que les ressources de ce fonds – 440 milliards d’euros- ne lui permettront pas de jouer le rôle de “prêteur de dernier ressort”.
Autre signe de l’importance prise par la BCE, elle est associée aux programmes d’aide à la Grèce, à l’Irlande et au Portugal, ce qui lui permet de faire pression pour obtenir les réformes structurelles qu’elle réclamait depuis des années. En prenant le parti de l’interventionnisme, la BCE ne fait que s’aligner sur les pratiques d’autres grandes banques centrales comme la Réserve fédérale américaine, fait valoir Sylvain Broyer.
Mais le virage pris par l’institution, qui a la mission inédite de faire vivre une monnaie commune à 17 Etats souverains disparates, inquiète malgré tout.
“Cela montre un déséquilibre du système institutionnel avec une Commission trop faible, à laquelle les (Etats) ne font pas confiance, et une BCE à laquelle ils demandent trop de choses”, déclare Jean Pisani-Ferry, directeur de l’institut Bruegel.
Son collègue Guntram Wolff juge lui nécessaire de voir ce rôle réduit et contrebalancé par “une augmentation de la responsabilité démocratique”, c’est-à-dire forcer la banque à répondre de ses actes face aux citoyens.