La réalité du terrain donne à penser que beaucoup d’efforts doivent être encore accomplis afin que la Tunisienne puisse avoir les ressources nécessaires pour devenir leader. Conclusion d’une conférence organisée, samedi 1er octobre 2011, le jour de démarrage de la campagne de l’élection de la Constituante marquée, pourtant, pour la première fois de l’histoire de la Tunisie, par une parité au niveau de la composition des listes.
Organisée par deux associations tunisiennes, «Le Forum pour une Nouvelle République (Nour)» et «Femmes et leadership», samedi 1er octobre 2011, la conférence sur «Le rôle du leadership féminin dans la transition démocratique» ne pouvait manquer de mordant.
Elle ne pouvait que lever le voile, à un moment crucial, sur la place occupée par la femme tunisienne en matière de leadership, qu’il soit politique, économique, social ou encore culturel.
Les débats ont offert, à ce propos, l’occasion de se rendre compte que malgré toutes les avancées de la femme tunisienne depuis notamment la promulgation du Code du Statut Personnel (CSP), initié seulement quelques jours après l’indépendance du pays, en 1956, et dont l’une des manifestations est le vote des femmes et sa forte présence sur les bancs de l’école, du lycée ou encore à l’université (60% des étudiants sont de sexe féminin), beaucoup reste à faire pour que la femme devienne, réellement, l’égale de l’homme.
L’arbre qui cache la forêt
Omar El Matri, la quarantaine dynamique, cadre dans une société de crédit opérant en Afrique subsaharienne, est venu asséner des vérités en faisant parler les seuls chiffres.
Que nous dit-il? Que la parité largement adoptée par toutes les listes en présence pour l’élection du 23 octobre 2011 (celles présentées par les partis comme par les indépendants) est pour ainsi dire l’arbre qui cache la forêt.
Si l’on excepte le PDM (Pôle Démocratique Moderniste), qui a respecté une parité en matière de têtes de liste (48% de femmes et 52% pour les hommes), les femmes têtes de listes sont au mieux 40%. Les listes «chapeautées» par une femme sont comprises entre 20 et 40% du total des listes.
Un indicateur sur lequel on ne peut que s’arrêter, diront quelques intervenants dans le débat qui a suivi les communications et les témoignages, et qui ont constitué l’essentiel du programme de la conférence. Dans la mesure où le système électoral favorisera les têtes de listes. En clair: les têtes de listes ont plus de chance de figurer à la Constituante.
Pas plus que 32% des élus
Une projection établie à partir d’un sondage, certes ancien: d’où la nécessité de ne pas prendre pour acquis les résultats présentés, donnerait à croire, précisément, que le nombre de femmes élues à la Constituante ne dépasserait pas 32% du total des élus.
Bien plus: seulement trois partis sur les quelque 110 partis qui ont pignon sur rue dans notre pays ont une femme à leur tête. Et le pourcentage de femmes dans les bureaux directeurs des partis politiques n’excède pas 30. Le parti Ettajdid, qui est membre du PDM, cité en exemple en matière de parité au niveau des têtes de listes, ne compte aucune femme, soutient Omar El Matri. La palme d’or revient, dans ce domaine, à Afek Tounes.
Et Hassan Zaghouni, patron de l’institut de sondage Sigma Conseils, de nous avertir du fait que la réalité du terrain n’est pas toujours reluisante. Avançant également avec des chiffres, ceux d’un sondage fait sur la thématique de la politique en période de transition, il s’attaque à cette «masculinité» qui a gagné tout, y compris les opinions des femmes.
Il faudra même s’attendre au mal là où on ne l’attend pas. Ainsi, 54,4% des femmes sont contre l’élection d’une femme à la présidence de la République même si elle possédait les mêmes compétences qu’un homme; le pourcentage de réponse à cette question est de 71,8% parmi les hommes.
Une vision pour l’émergence de leaders
Autre indicateur du même sondage: 21,1% des femmes affirment qu’elles choisiront le même candidat que celui qui aura choisi par leur époux. Elles sont 18%, par ailleurs, à être contre le fait qu’une femme se porte candidate à une élection et 16% à refuser qu’une femme participe à une action de protestation.
Et le patron de Sigma Conseils d’avertir de nouveau: la Tunisie ce n’est pas la seule réalité des quartiers huppés de La Marsa ou d’El Manar. Et d’appeler pour un «changement de notre quotidien».
Pourtant, le pays gagnerait beaucoup à voir émerger des femmes leaders. Venue présenter un témoignage, Riadh Zghal, universitaire et chercheuse en sciences de gestion, dira qu’une étude qu’elle a encadrée a montré que les femmes adoptent toujours une gestion participative qui favorise une harmonie et une grande efficacité au sein des entreprises. «Ce qui sied aux attentes des entreprises dans cette période de transition démocratique et à l’avenir».
Riadh Zgal soutient, en outre, qu’il y a une différence entre croissance et développement: le développement ne peut être assuré sans une saine gouvernance et une éthique. Ce qui a précisément manqué au régime du président déchu Ben Ali: il a œuvré «pour une croissance au niveau de l’économie et non pas pour un développement».
Maher Kallel, haut cadre au sein du Groupe Poulina et formateur, abondera dans le même sens en évoquant le cas de la Malaisie, un pays qui a œuvré non pour une croissance, mais pour un développement: cohésion sociale, justice sociale, stabilité politique, unité nationale…
Pour Maher Kallel, le régime du président déchu avait initié des actions mais pas une stratégie d’ensemble: une vision pour notamment assurer l’émergence de leaders.
L’orateur ne manquera dans une intervention sur «la notion de leadership» de faire savoir que la femme assure une véritable complémentarité en matière de leadership. Dans de nombreux domaines, et en se basant sur une étude établie par l’Institut américain Macinzie, elle est plus performante que les hommes: exemplarité, attentes et reconnaissances, développement des autres et prise de décision individuelle.
En somme, un plaidoyer pour un leadership équitable!