Dans une note de synthèse de son premier rapport traitant de la problématique du chômage en Tunisie, le think tank fondé par Elyès Jouini propose des solutions à court terme et des réformes structurelles pour combattre ce fléau.
Alors que son économie a connu au cours des vingt dernières années un taux de croissance moyen de 5% par an, la Tunisie n’a pas jamais été en mesure de produire suffisamment d’emplois pour réduire le nombre de chômeurs. C’est plutôt le contraire qui s’est produit. A quoi ce «paradoxe» tunisien est-il imputable? Une étude menée par l’universitaire Mohamed Kriaa, dans le cadre de l’Initiative pour le Développement Economique Et Social (IDEES), lancée par Elyès Jouini, et dont une note de synthèse, intitulée «Le marché de l’emploi, états des lieux et perspectives 2012-2021» vient d’être publiée par ce think tank, constate que «depuis le milieu des années 90, le taux de chômage a persisté à un niveau élevé (15,6% en 1994 à 14,2 % en 2008)» et qu’il «a toujours été plus élevé pour les femmes, avec 18,6%, que pour les hommes, avec 12,6% en 2008».
L’étude explique la persistance du chômage essentiellement par «la conjonction de deux facteurs structurels: une forte croissance du nombre de diplômés du supérieur et une structure productive dominée par des secteurs fortement utilisateurs de main-d’œuvre non qualifiée».
En effet, malgré la progression de la part des diplômés du supérieur dans la population active –qui a atteint près de 3,3 millions en 2010- passé de 6,9% en 1994, à 16,2% l’année dernière, «l’offre d’emploi se positionne clairement sur des niveaux de faibles qualifications, ce qui est de nature à compliquer davantage le problème du chômage des diplômés du supérieur».
D’ailleurs, la note rappelle, en citant des statistiques de l’INS (Institut national de la statistique), qu’en 2007 «le seul secteur où les emplois sont détenus majoritairement par les diplômés du supérieur est celui des banques et assurances, avec près de 58% de l’emploi». Ces diplômés occupent une part importante dans l’éducation, santé et administration (43%) ou les travaux immobiliers (25,6%).
Le taux de chômage présente également «une forte disparité spatiale entre le littoral et l’intérieur du pays». Ainsi, l’ouest de la Tunisie enregistre des taux de chômage supérieurs à la moyenne nationale –allant de 14,9 % (centre-ouest), à et 18,8% (nord-ouest) et même 23,4% (sud-ouest). Un phénomène imputable à «la disparité de l’intensité entrepreneuriale entre le littoral et l’intérieur du pays» et qui va d’une entreprise pour 170 actifs à l’ouest, à une pour 20 actifs sur le littoral.
Mais d’une façon générale, l’auteur du rapport explique la persistance et l’augmentation du chômage, malgré le taux de croissance économique assez élevé, par le mode de calcul des charges sociales –qui «défavorise l’emploi et tout particulièrement l’emploi qualifié»-, la politique d’incitation aux investissements qui, parce que «axée sur la sous-traitance et la stratégie d’«import-substitution», a positionné les entreprises tunisiennes sur des activités à faible valeur ajoutée»- et la politique d’amélioration de la compétitivité qui, en garantissant aux entreprises des droits de douane réduits voire nuls sur leurs inputs, ne les encourage pas «à augmenter sa part de valeur ajoutée, en substituant la production à l’importation, et à monter en gamme en termes d’emplois qualifiés».
De même, le dispositif d’intermédiation et les «politiques actives d’emploi» -qui constituent pour l’Etat l’instrument de base de la politique de régulation du marché du travail- mis en place par les pouvoirs publics n’aide pas à résorber le chômage car les services de l’Agence Nationale de l’Emploi et du Travail Indépendant «sont bureaucratisés et l’orientation professionnelle est réduite à un simple guichet d’information. La construction des parcours est virtuelle». En outre, «les informations fournies par l’ANETI sont de mauvaise qualité et leur pertinence est douteuse».
Enfin, le système éducatif, l’université et la formation professionnelle constituent la principale racine du mal puisqu’ils fournissent au marché de l’emploi des ressources qualitativement inadaptées et, parfois, quantitativement insuffisantes pour satisfaire ses besoins.