La révolution tunisienne et la chute du régime Ben Ali qu’elle a emporté ont mis à nu une vérité que ce dernier s’est évertué à occulter pendant 23 ans: la pauvreté et l’inégalité entre les classes et les régions sont plus grandes qu’on ne le pensait. Rappelant cette amère réalité, la note de synthèse «Inégalité & pauvreté, état des lieux et perspectives», du think tank Initiative pour le Développement Economique et Social (IDEES), fondé par Elyès Jouini, distingue deux types de pauvreté: une pauvreté monétaire et une pauvreté multidimensionnelle.
La première est «un phénomène rural » concentré principalement à l’Ouest du pays. En effet, alors qu’il s’établi à l’échelle nationale à 11,33% (soit 1,2 million d’individus), le taux de pauvreté absolue
Atteint les 24% -contre 16,1% en 2000- dans le monde rural et chute à 4,6% dans le milieu urbain.
Le centre-ouest, où «le niveau de bien-être a même régressé relativement à la moyenne nationale», est le plus touché par la pauvreté –devant le sud, le nord (est et ouest), le centre-est et le Grand Tunis. En effet, «le niveau moyen des dépenses dans cette région ne représente actuellement que 62,5% de la moyenne nationale contre 70% en 1990», souligne la note.
Et alors que le même phénomène est observé dans la région du nord-est, l’écart dans le niveau de vie s’est réduit entre les régions du sud et le reste du pays.
IDEES en tire la conclusion que «l’incidence de la pauvreté est fortement corrélée au niveau d’éducation du chef du ménage. Les différences des taux de pauvreté observés, pour les différents niveaux d’études par rapport à un ménage de référence dont le chef est analphabète, sont manifestes».
Il existe ensuite une «pauvreté multidimensionnelle» -puisque l’amélioration du bien-être «ne se limite pas uniquement à une croissance soutenue du revenu réel des ménages» et est aussi «le résultat d’une amélioration de la satisfaction d’un ensemble de besoins fondamentaux tels que la santé, l’éducation ainsi que des conditions décentes de logement- qui constitue elle aussi un phénomène rural se concentrant principalement à l’ouest du pays et plus particulièrement dans la région du centre-ouest.
Mesurées à l’aune du coefficient de Gini –développé par le statisticien italien Corrado Gini, et qui détermine le degré d’inégalité de la distribution des revenus dans une société donnée-, les inégalités (autour de 40%) dans le cas de la Tunisie persistent et se sont même aggravées au cours des dernières années. Ce qui, d’après IDEES, met en cause «l’efficacité des politiques redistributives mises en oeuvre par les gouvernements précédents, et montrent la nécessité d’adoption d’un nouveau plan de lutte contre les inégalités».
Le think tank explique la persistance de l’inégalité excessive par l’existence «d’une trappe d’inégalité entre les différents groupes socio-économiques», c’est-à-dire «une situation où les performances d’un groupe (région, individus) défavorisé sont négativement influencées de manière significative à la fois par ses dotations initiales (circonstances) et le modèle de distribution de la richesse».