à Bordeaux (Photo : Jean-Pierre Muller) |
[12/10/2011 13:48:35] NIMES (AFP) Trois doses de dette, une de Marie Brizard, un doigt de vodka polonaise chère à Bruce Willis et un zeste de fonds d’investissement: les ingrédients du feuilleton Belvédère forment un drôle de cocktail pour ce groupe de spiritueux en difficulté financière.
Un conflit l’oppose depuis trois ans, par tribunaux interposés, à ses créanciers qui l’accusent de s’être surendetté en achetant les liqueurs Marie Brizard et d’aujourd’hui sacrifier ses filiales pour sauver la holding.
Dernier coup de théâtre, mardi: le remplacement du PDG historique, Jacques Rouvroy, qui quitte l’entreprise pour “raisons personnelles”, par son bras droit Krzysztof Trylinski, cofondateur du groupe.
Avant que la cour d’appel de Nîmes ne réexamine, jeudi, la validité de la sauvegarde de Belvédère, M. Trylinski a également annoncé la cession de deux marques, invitant les créanciers du groupe à négocier pour sauver ses 3.650 emplois (750 en France).
Mais ces derniers ne font plus confiance au propriétaire de la vodka Sobieski et du whisky William Peel avec ses 293 millions d’euros de pertes nettes depuis 2008 et 600 millions de dettes. Des montants qui n’ont pas empêché MM. Rouvroy et Trylinski d’augmenter leur rémunération en 2010.
A sa création en 1991, le groupe fait dans le packaging, visant un marché haut de gamme: ses bouteilles de vodka sérigraphiées font un tabac. Au tournant des années 2000, la Pologne privatise ses distilleries et Belvédère se met à produire.
Les difficultés commencent en 2006, quand il achète Marie Brizard en empruntant 375 M EUR sur le marché américain sous forme d’obligations à taux variable. Dès 2007, il en revend deux marques dont Pulco à Orangina, pour racheter ses actions dans le cadre d’un conflit avec leur principal détenteur, CL Financial, fonds de Trinidad et Tobago que le groupe sort de son capital.
Ce faisant, Belvédère viole des clauses de l’emprunt obligataire prévoyant que l’argent de la vente d’actifs soit réinvesti ou serve à rembourser les créanciers. Les agences de notation sanctionnent le groupe, ses obligations perdent jusqu’à 80% et son action chute en Bourse.
édère Jacques Rouvroy le 14 février 2011 à Dijon (Photo : Jeff Pachoud) |
Des “rapaces”, selon Belvédère, arrivent alors pour racheter de la dette à bas prix, dont le fonds américain Oaktree Capital, qui produit de la vodka en Pologne et lorgnerait sur Sobieski, 7e marque mondiale dont l’acteur américain Bruce Willis fait la promotion depuis qu’il est devenu actionnaire de Belvédère fin 2009.
“Ils racontent une histoire qui les arrange pour gagner du temps”, dément un porte-parole d’investisseurs détenant plus de 60% de la dette du groupe, dont Oaktree. “On s’en tient aux faits: ils ont bravé des interdits et les créanciers, qui n’ont rien perçu depuis l’été 2008, veulent être remboursés”.
A cette date, Belvédère saisit la justice: le tribunal de commerce de Beaune, où il a son siège, ouvre une procédure de sauvegarde. Fin 2009, un plan rééchelonne la dette sur dix ans, revente de Marie Brizard à la clef.
Fin 2010, le groupe peine cependant à honorer sa première échéance de remboursement: les créanciers lui reprochent de ne pas respecter ses engagements sur Marie Brizard et l’attaquent en justice. La cour d’appel de Dijon met fin à la sauvegarde en juin 2011.
Le feuilleton rebondit dans le Gard, où Belvédère obtient une nouvelle sauvegarde auprès du tribunal de commerce de Nîmes, via une filiale de Marie Brizard, la maison de vins Moncigale. Le parquet a fait appel d’une décision, où les créanciers ne voient que “manipulation” pour sauver la holding sur le dos des filiales.
“On en a marre d’être ponctionné”, déplore un délégué syndical chez Moncigale, où un emploi sur trois a disparu depuis 2007 et où l’on redoute une faillite.