Bruxelles veut mettre les agriculteurs “au vert”

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à Bruxelles (Photo : John Thys)

[12/10/2011 16:08:39] BRUXELLES (AFP) Bruxelles a proposé mercredi de mettre les agriculteurs “au vert” en conditionnant une partie des aides au respect de l’environnement, et de rendre la politique agricole commune (PAC) plus équitable en plafonnant les subventions, malgré les réticences du secteur.

“Une rédéfinition de la PAC est nécessaire”, a jugé devant les députés européens le commissaire chargé de l’Agriculture, le Roumain Dacian Ciolos, en présentant le détail de ses propositions pour réformer le système de subventions agricoles européennes à compter de 2014.

Il a notamment proposé de lier une partie des aides versées aux quelque 12 millions d’exploitations européennes “à quelques pratiques agricoles simples dont les effets ne sont plus à démontrer”: diversification des cultures, maintien de pâturages permanents, et préservation de réservoirs de biodiversité ou d’éléments de paysage sur au moins 7% des surfaces arables.

La réforme vise aussi à faire un virage vers des “pratiques de production durable”, alors que l’Europe a “pendant des années” poussé les agriculteurs “sur la voie d’une productivité sans contrainte”, a remarqué M. Ciolos.

Une autre mesure phare est le plafonnement des aides, qui seront dégressives à partir de 150.000 euros par an et par ferme, et ne pourront pas dépasser les 300.000 euros.

L’Allemagne, ou encore le Royaume-Uni –où les fermes de la couronne d’Angleterre engrangent chaque année des centaines de milliers d’euros de subventions– sont opposés au plafonnement, brandissant le risque d’un morcellement de leurs grandes exploitations.

Ces dernières sont toujours plus nombreuses en Europe: en sept ans, le nombre de fermes a diminué de 20% pour une réduction de seulement 2% de la superficie agricole, selon Eurostat.

Critiquée par la Cour des comptes européenne pour avoir versé des aides à des clubs de golf ou à des aéroports, la PAC sera par ailleurs réservée à l’avenir à des “agriculteurs actifs”.

Appelant à un changement de “paradigme”, Dacian Ciolos a aussi plaidé pour l’introduction dans les Etats d’un système de paiement unique à l’hectare qui devrait rééquilibrer progressivement les subventions au profit de l’agriculture extensive.

Toutefois, on est encore loin d’un rééquilibrage équitable des enveloppes allouées à chaque Etat. La France continue d’être le premier bénéficiaire et perdra relativement peu, tandis que les pays d’Europe de l’Est continueront à toucher des primes à l’hectare nettement en deçà de la moyenne européenne.

A Bruxelles, des dizaines d’agriculteurs baltes ont protesté contre ce compromis qu’ils jugent désavantageux.

“La politique, plus encore au niveau européen, c’est l’art du possible et des équilibres”, a convenu M. Ciolos. “Le plus important est d’impulser un mouvement dans la bonne direction”, a-t-il estimé.

Les propositions du commissaire Ciolos feront désormais l’objet de négociations entre les députés européens et les 27 gouvernements. Elles seront ardues.

La principale organisation d’agriculteurs en Europe, le Copa-Cogeca, a notamment critiqué le principe des jachères écologiques, “illogique alors que la demande alimentaire mondiale devrait augmenter de 70% d’ici à 2050”.

Pour les ONG environnementales au contraire, la proposition ne va pas assez loin et Greenpeace estime qu’il s’agit d’une “mauvaise nouvelle pour l’environnement, pour les contribuables et pour les fermiers qui veulent produire de la nourriture de manière responsable”.

Quant à Olivier De Schutter, expert de l’ONU sur le droit à l’alimentation, il s’en prend au niveau des subventions agricoles, qui représenteront encore en 2019 50,2 milliards d’euros, soit quelque 33% du budget européen. Selon lui, “des subventions agricoles de cette ampleur engendreront toujours des distorsions” dans les pays en développement.