Le gouvernement provisoire, dirigé par Béji Caïd Essebsi depuis mars dernier, s’apprête à rendre son tablier. Mais compte laisser son empreinte pour la postérité.
C’est ainsi que le gouvernement, à l’instar d’autres think tank, a élaboré un document intitulé “Stratégie de développement économique et social 2012-2016“.
Pour ce faire, après une notre introductive, le gouvernement passe au peigne fin l’environnement national dans sa globalité. D’abord, dans ce document, les pouvoirs publics transitoires reconnaissent “des impacts positifs de la Révolution sur la vie politique et la situation générale du pays“, mais soulignent que “des évènements conjoncturels négatifs survenus après la révolution ont engendré une situation d’instabilité et de désordre, ce qui a eu, à court terme, des effets négatifs sur l’économie nationale“. Mais au-delà de leur caractère “légitime“, la propagation de ces revendications à la plupart des secteurs et des régions a contribué également à l’aggravation des problèmes sociaux et la dégradation de la situation économique.
Résultat: “la majorité des indicateurs économiques a connu un recul notable durant le premier semestre de cette année, affectant ainsi la trajectoire initiale prévue dans le Budget Economique pour l’année 2011“. Ce qui présage une croissance économique négative pour cette année. Car, reconnaît le gouvernement, “les mesures économiques décidées au mois de mars et la loi des finances complémentaire approuvée fin juin ont contribué certes à réduire l’impact négatif de la conjoncture sur l’économie, mais elles n’ont pas encore donné leur plein effet“.
Toutefois, le gouvernement provisoire espère que, avec “un retournement positif de la conjoncture“ qui pourrait se conjuguer à “l’activation totale et le renforcement des mesures susmentionnées“, la Tunisie pourrait enregistrer une croissance positive pour 2011. “C’est cette hypothèse qui est retenue et le niveau de croissance fixé comme objectif pour l’année 2011 est 0,2%“. On est bien loin des croissances de 4, 5 et 6% des années précédentes.
Première victime collatérale de cette dégradation de la conjoncture nationale – mais aussi de la situation en Libye-, l’emploi. “Le nombre de chômeurs risque de passer à plus de 650 mille (NDLR : on est maintenant à plus de 700.000 chômeurs) contre 490 mille chômeurs à fin 2010, ce qui fera passer le taux de chômage à près de 16,9% contre 13,0% en 2010“, lit-on dans le document. Et là également, le gouvernement estime que si la croissance retenue se réalise (c’est-à-dire 0,2%), le nombre de chômeurs serait de 560 mille personnes (sur la base de 650.000), moyennant la création de 16.000 emplois additionnels, ce qui permettrait de contenir le taux de chômage à 14,5%.
Mais à l’image de la situation générale du pays, le document du gouvernement table sur des “si“, autrement des hypothèses qui sont difficilement réalisables, car liées à la réalisation ou combinaison d’autres hypothèses. Impossible de voir clair. Alors, mieux vaut suggérer une dernière cartouche, à savoir la mise en place “des mesures spécifiques dans le cadre de la politique active de l’emploi et des mécanismes de protection des travailleurs licenciés, en plus des mesures destinées à maintenir la croissance positive“.
Le document analyse la situation économique nationale au plan sectoriel, et conclut que le secteur du tourisme est le plus touché. “Il affiche un recul notable de la plupart de ses indicateurs à la fin du premier semestre de l’année en cours: baisse des recettes de 51%, des nuitées de 53% et du nombre de touristes de 39%“; alors que le secteur des industries manufacturières semble mieux résister puisque ses “exportations“ ont enregistré une progression de 15% au cours du premier semestre 2011.
Toujours dans le chapitre de l’analyse sectorielle, le document du gouvernement montre que la situation des investissements directs étrangers (IDE) n’est pas reluisante, elle aussi, puisque leur volume “a baissé durant le premier semestre de cette année de 17,2% et 78 sociétés étrangères ont mis fin à leurs activités engendrant la perte d’environ 6.000 emplois“. Une situation d’autant plus inquiétante que “le besoin de financement de l’économie est fixé pour l’année en cours à 19,9 milliards de dinars, contre 18,8 milliards de dinars en 2010“. Et parallèlement, “l’économie est confrontée à un double handicap: baisse de l’épargne nationale et exacerbation des conditions de mobilisation des ressources du financement extérieur“, souligne le document.
Explication: “… sur la base d’une croissance de 0,2% pour l’année, l’épargne nationale baisserait d’environ 1 milliard de dinars et le taux d’épargne diminuerait de 2 points du PIB par rapport à l’année 2010 alors que le besoin de financement augmenterait de 1,1 milliards de dinars“. Donc, l’épargne ne couvrira ainsi que 64% du besoin de financement contre 72% en 2010. “Ce qui mettra une forte pression sur le financement extérieur à un moment où les possibilités de mobilisation de ressources extérieures sont relativement saturées et les réserves de change connaissent une forte pression du fait des remboursements importants de la dette en 2011 et de la baisse des recettes d’exportations et des flux d’investissement extérieurs“, s’inquiète le gouvernement dans son document de stratégie.
Le dernier point analysé dans ce document concerne les finances publiques. “La loi des finances complémentaire a fixé le déficit du budget de l’Etat à 5% du PIB, soit 3,5 milliards de dinars“. Pour le gouvernement, cette augmentation du déficit a deux origines: les pertes causées par l’arrêt de l’activité de certaines entreprises publiques suite aux dégâts et aux perturbations qu’elles ont subies, et les augmentations des salaires et autres dépenses de subvention des produits alimentaires et pétroliers.
Enfin, vu le niveau actuel des prix, la subvention directe du budget de l’Etat atteindra 3,3 milliards de dinars pour l’année 2011 contre 1,5 milliard prévus dans le cadre de la loi des finances initiale. Sachant cependant que “ce montant n’inclut pas le déficit des entreprises de services publics (STEG, SONEDE, ONAS et autres sociétés de transport…), qui devrait se situer à plus de 2 milliards de dinars du fait du non ajustement des prix. Ce qui signifie que la subvention directe du budget de l’Etat pour l’année 2011 dépasserait les 5,2 milliards de dinars.