Afrique du Sud : accord de la dernière chance pour l’industrie textile

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évrier 2011 au Cap (Photo : Rodger Bosch)

[13/10/2011 07:57:48] JOHANNESBURG (AFP) Laminés par la concurrence chinoise, les patrons de l’industrie textile d’Afrique du Sud ont signé avec les syndicalistes un accord de la dernière chance qui diminue les salaires d’embauche de 30% et pourrait faire école dans d’autres secteurs.

L’accord a été négocié par le syndicat des travailleurs du textile et de l’habillement SACTWU, qui a accepté des salaires pour les nouveaux entrants de 427 à 550 rands par semaine (43 à 55 euros) pour 40 à 45 heures hebdomadaires. Le texte a été signé début octobre.

“Mais les employeurs se sont engagés à créer dans les entreprises appliquant l’accord au moins 15% d’emplois supplémentaires en deux ans et demi, soit environ 5.000”, a indiqué à l’AFP André Kriel, son secrétaire général. Le syndicat de ce secteur, déjà lourdement restructuré avant les années 1990 et qui a perdu environ la moitié de ses emplois en dix ans à un rythme qui a ralenti cette année, a aussi stipulé qu’il était interdit de remplacer le personnel existant par des débutants moins payés.

La pilule a été difficile à avaler et source de remous politiques.

Il y a deux mois, le ministre des Finances, Pravin Gordhan s’est fait taper sur les doigts après une suggestion de revoir le salaire minimum. Il citait justement le cas d’usines textile du Kwazulu-Natal (est) menaçant de délocaliser au Lesotho ou au Botswana. Dans cette région, des entrepreneurs payent des ouvriers qualifiés 200 à 450 rands (20 à 45 euros) la semaine, sans couverture sociale, selon M. Kriel.

Malgré une reprise économique et l’effet stimulant de l’organisation du Mondial de foot 2010, l’économie sud-africaine a encore perdu près de 400.000 emplois l’an dernier.

Dans le textile, c’est le sauve-qui-peut.

Le marché intérieur est inondé d’importations chinoises qui réalisaient déjà plus de 86% de part de marché en 2004, juste avant la fin en 2005 des quotas imposés à la Chine. Le textile sud-africain s’exporte de plus en plus mal, notamment vers les Etats-Unis, miné au milieu des années 2000 par la cherté du rand puis depuis 2008, par la crise.

Outre le prix, l’Afrique du Sud a aussi un problème de capacité de production qui s’est aggravé avec la disparition d’entreprises. En 2004, ses usines de filage et tissage équivalaient à 1% des capacités chinoises, observait le conseiller économique de l’ambassade américaine à Pretoria dans un télégramme consulté sur WikiLeaks.

“Je continue d’acheter sud-africain, notamment des petites quantités dont j’ai besoin à échéance d’une semaine ou d’un mois”, explique à l’AFP Dudley Kaye, chef d’une entreprise de marketing Duck Hook Marketing qui fait fabriquer depuis 23 ans du cadeau d’entreprises en tout genre, T-shirt, sac à dos, casquettes.

“Mais ici les gens sont peu productifs, très lents, la qualité n’est pas bonne et c’est interdit de les payer à la pièce. Les produits chinois sont de meilleure qualité, moins chers et les broderies sont mieux réalisés car ils sont techniquement au point”, dit-il.

L’accord salarial est selon lui “très bon” car cela permettra à de petites entreprises de faire concurrence aux importations, d’autant plus que le rand est faible en ce moment.

D’autres industriels ont aussitôt sauté sur l’occasion et appelé leurs syndicats à suivre “l’exemple courageux” du syndicat textile selon la Chambre de commerce et d’industrie.

Le patronat (NEASA) a suggéré lundi de baisser de 50% les salaires d’embauche dans la métallurgie, en soulignant que cette industrie avait perdu 100.000 emplois sur 450.000 depuis la récession. Mais “la route est encore longue” avant que d’autres industries emboîtent le pas au textile, “c’est très controversé, ça lance le débat et met sous pression les autres syndicats”, estime l’analyste économique Daniel Silk.

La somme de 1.700 rands (170 euros) par mois permet de manger, de payer son transport et généralement de louer un “shack”, quatre murs de tôle dans un bidonville.