à la sortie du tribunal de New York (Photo : Emmanuel Dunand) |
[13/10/2011 17:31:58] NEW YORK (AFP) L’une des plus grosses affaires de délit d’initiés jamais jugées à New York s’est soldée jeudi par une condamnation record pour Raj Rajaratnam, le patron fondateur du fonds d’investissement Galleon, qui devra passer 11 ans en prison.
Cette condamnation représente la plus forte peine jamais prononcée pour un délit d’initié, selon le procureur fédéral de New York Preet Bharara, même si elle reste largement en deçà de ce que réclamaient les procureurs (entre 19 ans et demi et 24 ans et demi). La défense espérait que la peine serait limitée à environ six ans.
M. Rajaratnam incarne pour le substitut du procureur Reed Brodsky “le visage moderne du délit d’initié illégal”. Il est au centre d’une affaire dont les pouvoirs publics évaluent l’impact à quelque 72 millions de dollars en gains illicites et pertes évitées entre 2003 et 2009.
Sa conduite “illustre un virus dans notre culture des affaires qui doit être éradiqué”, a déclaré jeudi le juge Richard Holwell chargé du dossier.
Le juge a expliqué qu’il avait déterminé la peine en tenant compte de plusieurs facteurs: la gravité des faits, mais aussi l’état de santé fragile de l’accusé, ainsi que ses bonnes oeuvres.
M. Rajaratnam, 54 ans, souffre d'”un diabète avancé conduisant à une défaillance rénale imminente”, selon le juge.
Quant à l’action philanthropique du milliardaire d’origine sri-lankaise: “la réaction et l’attention portées par l’accusé aux moins privilégiés dépassent largement la norme” pour les hommes d’affaires richissimes, selon lui.
Selon les avocats de la défense, les donations caritatives de M. Rajaratnam ont totalisé au moins 45 millions de dollars.
A l’audience, l’avocat Terence Lynam a ainsi protesté contre la peine demandée par l’accusation, “comparable à (ce qui serait décidé) pour un meurtre et plus sévère que (…) pour une agression sexuelle”.
Enfin, dernier argument pour expliquer l’indulgence relative de la peine: “les délits d’initiés sont insidieux, mais représentent un danger différent de celui des fraudes à la Enron ou des schémas de Ponzi à Madoff”, a relevé M. Holwell, alors que M. Brodsky avait déclaré que “le délit d’initié, c’est du vol”.
En tout état de cause, l’état de santé de M. Rajaratnam aggrave le ressenti de la peine: “la prison est une punition plus intense” pour les grands malades, selon le juge.
édéral de New York Preet Bharara le 3 mai 2011 à New York (Photo : Spencer Platt) |
M. Rajaratnam devra en outre renoncer à 53,8 millions de dollars mal acquis et verser une amende de 10 millions de dollars. Il débutera sa sentence le 28 novembre, mais M. Holwell a refusé de le laisser en liberté durant la procédure d’appel.
M. Rajaratnam, vêtu comme à son habitude d’un costume sombre, a décliné l’offre du juge de s’exprimer durant l’audience.
Raj Rajaratnam avait été reconnu coupable le 11 mai de tous les délits d’initié dont il était accusé, au terme d’un procès de deux mois. Son avocat avait alors indiqué qu’il ferait appel. Il encourait jusqu’à 205 ans de prison si le juge décidait de ne pas confondre les peines.
Pour le juriste Robert Mintz, autrefois procureur dans le New Jersey, “même si cette peine est nettement inférieure à ce qu’avait demandé l’accusation, vu l’âge et les problèmes de santé de M. Rajaratnam, cela reste une punition très grave”.
“A tort ou à raison, il n’y a aucun doute que les peines dans les affaires de délit d’initié seront pendant des années jugées à l’aune de ce procès”, a assuré M. Mintz à l’AFP.
Dans ce dossier tentaculaire impliquant plusieurs des grands noms de la finance et des affaires américaines, une vingtaine d’accusés avaient choisi de plaider coupable.
L’accusation avait bâti son dossier sur de nombreux enregistrements de conversations téléphoniques où on entendait M. Rajaratnam lui-même. Ces écoutes ont été contestées par la défense, mais le juge “ne croit pas qu’un appel soulève d’importantes questions de droit”, a-t-il dit.
La défense avait tenté de faire valoir que M. Rajaratnam n’avait rien fait d’illégal et avait décidé ses opérations de marché sur la base d’informations ou publiques ou obtenues de façon légitime.