accueil du site internet Copwatch, le 12 octobre 2011. (Photo : Thomas Coex) |
[14/10/2011 16:23:24] PARIS (AFP) Le ministre de l’Intérieur Claude Guéant, qui avait saisi la justice en référé contre le site de fichage des policiers Copwatch, a obtenu gain de cause vendredi, et même plus, le tribunal de Paris ordonnant le blocage complet du site et non celui de certaines pages.
Oeuvre d’un “collectif de citoyens souhaitant lutter par la transparence et l’information contre les violences policières”, le site internet Copwatch-Nord-Ile-de-France publie des photos de policiers et de gendarmes, parfois leurs noms, à qui il attribue des propos et auxquels il donne des appréciations.
Le ministre de l’Intérieur et le syndicat de gardiens de la paix Alliance se sont émus de cette pratique. A l’audience de mercredi, ils avaient rappelé que l’un des 450 policiers rendus identifiables grâce à Copwatch avait récemment porté plainte après avoir reçu “une cartouche de chasse dans sa boîte aux lettres”.
Face à cette menace, le tribunal des référés de Paris a ordonné vendredi aux fournisseurs français d’accès à l’internet Free, France Telecom, SFR, Bouygues Telecom, Numéricable et Darty Telecom “de mettre en oeuvre ou faire mettre en oeuvre, sans délai, toutes mesures propres à empêcher l’accès” à ce site à partir du territoire français.
Le ministre de l’Intérieur avait demandé seulement la suppression d’une dizaine de pages qui permettaient d’accéder aux données personnelles concernant des gardiens de la paix. Mais les fournisseurs d’accès ayant plaidé à l’audience que cette mesure était techniquement impossible, le tribunal a ordonné une mesure plus radicale.
“Outrageants” et “diffamatoires”
Ce blocage, stipule le jugement, devra être maintenu “jusqu’à ce que soit rendue une décision définitive statuant sur les deux plaintes déposées le 4 octobre 2011 par le ministre de l’Intérieur contre X pour injures et diffamation envers des fonctionnaires de police et l’administration”.
En revanche, il reviendra au ministre de “rembourser” aux fournisseurs d’accès “les coûts afférents à la mesure de blocage du site”.
Le tribunal, présidé par Martine Provost-Lopin, estime que le site était bien injurieux. En effet, écrit-il, “les termes +la fosse commune de l’humanité, le charnier de l’évolution+ qui visent nommément +la Police et la Gendarmerie+ sont manifestement outrageants à leur égard”.
D’autres passages publiés sur le site évoquant la “torture” qu’exercerait la police contre les migrants sont en outre “diffamatoires”, a jugé le tribunal.
Enfin, en diffusant à leur insu les noms, les photos et les affectations de certains gendarmes ou policiers, le site “viole” la loi sur les données personnelles.
Pour toutes ces raisons, le site “cause un dommage tant aux fonctionnaires de police qu’à l’administration”.
Vendredi, le tribunal a estimé que la mesure de blocage de certaines pages demandée par le ministre n’était “ni adaptée, ni proportionnée et qu’elle n’est donc nullement +propre+ à mettre fin au dommage.” En effet, à l’audience de mercredi, les fournisseurs d’accès avaient relevé l’impossibilité technique d’une telle mesure.
Dans ces conditions, a tranché le tribunal, “il y a lieu de faire injonction aux sociétés fournisseurs d’accès (…) de procéder ou faire procéder au blocage du site”.
Une telle mesure, justifie-t-il, n’est “rendue nécessaire et justifiée que par l’impossibilité actuelle d’identifier les responsables du site litigieux et son hébergeur”. Les auteurs du site, hébergé aux Etats-Unis, se sont en effet entourés d’un luxe de précautions pour rester discrets.
“Je me réjouis de la décision de justice qui correspond à ce que demandait notre syndicat”, a réagi auprès de l’AFP le secrétaire général d’Alliance, Jean-Claude Delage.