Un ordinateur. (Photo : Don Emmert) |
[15/10/2011 10:46:54] WASHINGTON (AFP) La vidéo commence avec un écran noir, comme un tableau de salle de classe. “1+1”, dit une voix off tandis qu’un curseur trace les chiffres: avec des milliers de cours de maths en ligne, le site de la “Khan academy” veut apprendre aux Américains à (mieux) compter.
“Je vais vous montrer comment on peut résoudre ce problème”, poursuit la voix, derrière laquelle se trouve Salman Khan, un professeur de mathématiques à l’origine du site internet basé à Mountain View, dans la Silicon Valley (Californie).
“Imaginons que nous ayons, disons, un avocat”, ajoute-t-il, tout en traçant avec le curseur un ovale sous le chiffre “1”. M. Khan continue la démonstration, ajoute un deuxième fruit. “Combien d’avocats ai-je désormais?”, interroge-t-il: “nous avons un, deux avocats. Donc un plus un égale deux”.
Cette opération élémentaire s’adresse naturellement aux internautes les plus jeunes. Ceux qui veulent se triturer les méninges trouveront parmi les 2.600 vidéos des problèmes autrement plus complexes, comme une explication de la “Loi de Hubble” sur la vitesse d’éloignement des galaxies.
L’aventure de l’académie Khan a débuté en 2004. M. Khan apprend que sa cousine a des difficultés à l’école et décide de lui donner des cours particuliers. “Nous avons utilisé le téléphone et Yahoo! Doodle (un logiciel de messagerie informatique, ndlr) comme bloc-notes”, raconte-t-il à l’AFP.
La méthode porte ses fruits et M. Khan commence à donner des cours à d’autres membres de sa famille.
“Entre mon travail, leurs entraînements de football et les problèmes de décalage horaire, ça devenait vraiment compliqué, alors j’ai commencé à faire des vidéos sur YouTube”, dit-il.
Depuis son lancement, la “Khan academy”, une organisation à but non lucratif qui a reçu des dons de Google, affirme avoir dispensé 80 millions de leçons sur internet et aspire désormais à entrer dans les salles de classe.
L’expérience est menée à Los Altos, en Californie, où le programme concerne les élèves du CM2 à la 5e.
“C’est un outil très efficace qui s’est ajouté à notre programme”, explique à l’AFP Alyssa Gallagher, une responsable éducative de Los Altos.
Equipés d’ordinateurs portables, les élèves consultent les vidéos du site et travaillent sur les exercices qu’il propose.
La méthode permet à chaque enfant de travailler de “manière indépendante, en donnant plus de temps au professeur pour travailler individuellement avec les élèves”, indique un rapport de l’établissement scolaire, qui note une “amélioration significative” des résultats dans certaines classes.
Mais l’académie a aussi ses détracteurs, comme Franck Noschese, professeur de physique d’un lycée de Cross River, dans l’Etat de New York.
“Je n’avais rien contre la +Khan academy+ tant qu’elle se limitait à rassembler des vidéos. C’est quand ils ont commencé à les présenter comme innovatrices et révolutionnaires que j’ai commencé à être critique”, dit cet enseignant pourtant adepte des nouvelles technologies.
“Apprendre via des vidéos est un procédé éducatif pauvre et passif”, estime M. Noschese.
“Les enseignants réfléchissent à la manière d’utiliser ces outils en plus des cours classiques, pas pour les remplacer”, rétorque Bill Tucker, un expert du centre de réflexion “Education sector”: “Il est quasi certain que les outils numériques vont devenir de plus en plus présents dans l’éducation, de même qu’ils le sont ailleurs”.
D’autres pistes sont explorées aux Etats-Unis, comme le concept de “classe à l’envers” (“flipped classroom”), dans lequel les élèves visionnent chez eux des cours publiés en ligne, libérant du temps pour des travaux pratiques en classe.
“C’est un dispositif bien plus riche et plus attrayant pour les élèves. Je parle tous les jours à chacun d’entre eux, individuellement, ce qui ne m’était jamais arrivé avant”, explique Jonathan Bergmann, ancien enseignant et pionnier du concept. “Visiblement, une vague de changement est en train d’arriver”.