Comment garder le “triple A” français ? Economistes et politiques divisés

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çois Fillon sur le plateau de la chaîne de télévision France 2, le 17 octobre 2011 (Photo : Miguel Medina)

[19/10/2011 17:50:04] PARIS (AFP) La menace d’une dégradation du précieux “triple A” de la France et l’urgence d’y répondre par une nouvelle cure d’austérité, au risque d’étouffer un peu plus encore une croissance anémique, divise économistes et responsables politiques.

Moody’s a placé lundi la note de la France sous “surveillance”. D’ici à trois mois, l’agence de notation dira si elle maintient sa perspective “stable” ou si elle la requalifie en “négative”, un scénario qui pourrait déboucher sur une dégradation quelques mois plus tard.

Sans attendre, le coup de semonce a porté à des niveaux record l’écart entre les taux d’intérêts appliqués aux dettes française (3,19%) et allemande (2,06%).

Peu avant l’annonce de Moody’s, le Premier ministre François Fillon a lui-même admis que “des mesures nouvelles” d’austérité seraient nécessaires si la France n’enregistrait pas une “croissance minimale de 1,5%” en 2012.

Le ministre de l’Economie François Baroin est allé plus loin: il a laissé entendre qu’elle pourrait être inférieure. Le FMI ne prévoit plus lui-même que 1,4% et certains conjoncturistes encore plus pessimistes avancent même un famélique 0,9%.

A Bercy, on espère qu’un succès des sommets européen de dimanche et du G20 les 3 et 4 novembre contribue à un rebond en ramenant la confiance sur les marchés.

Pour le député UMP Gilles Carrez, rapporteur général du Budget à l’Assemblée, “l’aléa” porte sur 0,5 point de croissance en 2012 soit 5 milliards d’euros. Il préconise simplement “d’augmenter le montant de la réserve de précaution” du budget en débat au Parlement.

De son côté, Jérôme Cahuzac, président socialiste de la Commission des Finances de l’Assemblée, prône des mesures de relance. “Aucun ajustement budgétaire ne peut se faire si la croissance n’est pas au rendez-vous”, fait-il valoir, plaidant pour des “mesures de soutien à la consommation, à l’investissement et à la compétitivité des entreprises”.

Il y a “urgence à prendre des mesures pour que les banques soutiennent l’activité économique et prêtent aux entreprises”. Il faut “convoquer les banques, comme en 2008, pour leur rappeler leurs responsabilités”, estime-t-il, interrogé par l’AFP.

De leur côté, les économistes sont unanimes à souligner la nécessité d’agir vite, mais partagés sur les mesures à prendre.

“La psychologie joue un grand rôle et sous la pression des marchés, il ne serait pas réaliste d’attendre la présidentielle pour réagir”, observe Nicolas Véron du centre de réflexion bruxellois Bruegel.

Selon lui, le gouvernement français “n’est pas à l’os” et peut encore actionner les “leviers des recettes, des dépenses et, éventuellement, des privatisations”, même si “un impact négatif est à craindre sur la croissance”.

“Le degré d’urgence est très élevé puisque Moody’s va réexaminer la situation en début d’année”, approuve Nicolas Bouzou, du cabinet Asterès.

Mais, estime-t-il, “on ne peut plus se contenter de raboter les niches fiscales, il faut des réformes de fonds comme le report de l’âge de la retraite de 62 à 64 ans”.

Stratégiste chez Natixis, René Defossez avertit: “Quand une agence de notation comme Moody’s dit ce qu’elle vient de dire, ce n’est pas simplement pour faire un peu de bruit mais parce qu’elle réfléchit sérieusement” à une dégradation de la note de la France.

Si l’écart de taux se creuse encore entre les dettes française et allemande, “il faudra que Paris donne de nouveaux gages de rigueur budgétaire” et dans ce cas, les niches fiscales restent selon lui “un instrument magnifique”.