Hermès et LVMH, toujours à couteaux tirés un an après

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ège du sellier Hermès à Paris, le 15 septembre 2011 (Photo : Eric Piermont)

[20/10/2011 10:11:40] PARIS (AFP) Il y a un an le géant du luxe LVMH faisait une entrée fracassante dans le capital du sellier Hermès. Sous le choc, la famille, redoutant un raid, le sommait de partir. Aujourd’hui, rien n’a changé si ce n’est que l'”agresseur” s’est renforcé et l’agressé est toujours sonné.

“Hermès est devenue une forteresse assiégée depuis l’arrivée de Bernard Arnault. La famille se regarde en chiens de faïence”, confie à l’AFP un proche des héritiers du fondateur Thierry Hermès, ayant requis l’anonymat comme nombre de sources citées.

Le 23 octobre 2010, LVMH, propriétaire de marques prestigieuses comme Louis Vuitton ou Guerlain, à l’appétit vorace, annonce abruptement qu’il détient 17% du capital obtenus via des instruments financiers complexes (“Equity swaps”). Il montera à 21,4% quelques mois plus tard.

C’est un coup de massue qui s’abat sur ce groupe familial, dépositaire du chic français. D’autant que la famille a enterré six mois plus tôt Jean-Louis Dumas, son “leader charismatique”, celui qui a transformé le fabricant des célèbres carrés en soie en poule aux oeufs d’or. Il était aussi celui qui cimentait les trois branches -Puech, Dumas et Guerrand- de la famille.

Le sellier est devenu un géant aux pieds d’argile: “Il n’y a plus de leader naturel pour recréer un consensus familial”, souligne Serge Carreira, analyste spécialisé et enseignant à Sciences-po Paris.

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à Paris (Photo : Eric Piermont)

La famille Hermès en est consciente, LVMH aussi.

“Ce n’est pas anodin si LVMH a consolidé sa position dans le groupe après la mort de Jean-Louis Dumas”, confie un autre analyste financier.

Bien que sonnés, les héritiers sous l’impulsion de Bertrand Puech, le président du conseil de gérance, et Patrick Thomas le gérant, lancent une riposte violente via les médias.

La ligne est claire: Tout sauf Bernard Arnault, le PDG de LVMH. Dans la coulisse, “les héritiers ont l’impression qu’ils ont été pris dans une nasse”, raconte un proche.

Contactée par l’AFP, la maison Hermès n’a pas donné suite à nos sollicitations.

Quelque 50 héritiers sur soixante-dix décident d’ériger une holding, une muraille infranchissable, pour y loger 51% des 73% du capital qu’ils détiennent et se prémunir ainsi d’un raid du numéro un mondial du luxe. La justice va valider cette arme anti-LVMH, qui devrait être créée d’ici la fin de l’année.

Des inconnues demeurent: la holding va-t-elle vraiment voir le jour ? Si oui dans quelles conditions ? Quels membres de la famille en feront partie ? Pourquoi autant de temps avant de passer aux actes ? Que fera Nicolas Puech, de loin le premier actionnaire familial avec 10% et qui préconise le dialogue avec LVMH ?

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ès, pose le 20 septembre 2011 à Rome (Photo : Andreas Solaro)

Des questions sans réponse qui pourraient traduire des tensions familiales, selon plusieurs sources. Certains membres de la famille verraient d’un mauvais oeil la “concentration” des pouvoirs capitalistique et opérationnel entre les mains d’une seule branche, les Dumas-Hermès, avancent-elles.

Le comité exécutif du sellier compte trois Dumas, Pierre-Alexis, Guillaume de Seynes et Axel, contre aucun pour les deux autres branches. Les Dumas pourraient aussi détenir plus de la moitié du capital de la holding, soit 26%.

En outre, cette société est appelée à racheter les titres des cousins désirant vendre, ce qui signifie qu’il y aura moins de cash pour les autres.

Or aujourd’hui, un actionnaire détenant 1% du capital d’Hermès peut empocher environ 250 millions d’euros s’il venait à vendre sa part au cours actuel de 240 euros.

“Le temps joue en faveur de Bernard Arnault. La plupart des héritiers Hermès ont besoin de leurs rentes pour assurer leur style de vie. Ils savent où aller frapper”, confie une source.

“On va rester un actionnaire actif mais pas activiste”, répète-t-on chez LVMH. Le géant du luxe écarte toute sortie du capital du sellier.

Il aurait acquis sa participation dans Hermès au prix de 80 euros par action, et aurait déjà réalisé une colossale plus-value de près de 2 milliards d’euros, selon une source proche du dossier.

Pour nombre d’analystes, LVMH parie sur les bisbilles familiales autour de la holding et les mésententes pour ramasser la mise. Une stratégie qui lui a réussi par le passé.