Crise de la dette : la France tente d’imposer ses vues face à l’Allemagne

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ère français des Affaires étrangères à Paris le 21 octobre 2011 (Photo : Eric Feferberg)

[21/10/2011 11:57:03] PARIS (AFP) La France, en mauvaise posture budgétaire, tente d’imposer ses solutions pour éviter une propagation de la crise de la dette après avoir semblé, ces dernières semaines, suivre parfois à contrecoeur le tempo dicté par l’Allemagne.

“Il est très important que l’Allemagne et la France coopèrent bien et progressent ensemble”, a lancé vendredi le commissaire européen aux Affaires économiques Olli Rehn avant le début d’un marathon de réunions à Bruxelles pour sauver la zone euro.

Un avertissement, car le moteur franco-allemand semble tirer à hue et à dia.

Face à la pression de Berlin, de Bruxelles et des marchés, Paris a d’abord dû se résoudre à accepter une stratégie qui n’était pas la sienne.

Les Européens planchent sur un plan en trois temps: restructuration musclée de la dette grecque, recapitalisation des banques du Vieux Continent pour y faire face, renforcement du fonds de secours de la zone euro.

Pourtant, le gouvernement français a longtemps paru opposé aux deux premiers piliers de cette stratégie. L’offensive venait d’Outre-Rhin.

Jusqu’à début octobre, Paris refusait catégoriquement d’évoquer l’hypothèse même d’une renégociation de l’accord du 21 juillet, aux termes duquel les banques créancières de la Grèce se sont engagées à effacer 21% de sa dette.

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Angela Merkel lors au Bundestag le 21 octobre 2011 (Photo : John Macdougall)

De la même manière, la France rejetait les appels à recapitaliser les banques, avant de se résoudre à une opération coordonnée de l’Europe.

“Pour une fois, c’est plutôt la France qui a freiné”, estime le directeur adjoint de l’Institut franco-allemand de Ludwigsburg, Henrik Uterwedde. Selon lui, les Français “pensent probablement qu’ils n’ont que des ennuis à tirer de cette stratégie”.

En cause: la situation budgétaire fragile de la France, dont le “triple A” est désormais menacé. “S’il faut renflouer les banques françaises, en pleine période préélectorale, ça s’annonce très délicat”, relève cet observateur avisé des relations franco-allemandes.

La France a obtenu que les solutions prônées par Berlin s’inscrivent dans un plan global qui prévoit aussi le renforcement de la “puissance de feu” du Fonds européen de stabilité financière (FESF).

L’idée, explique-t-on à Paris, c’est que si la Grèce est déclarée en défaut de paiement, il faut avoir les instruments adéquats pour protéger les autres pays à risque, comme l’Italie ou l’Espagne, d’une probable propagation de la crise. L’Allemagne a accepté de démultiplier la capacité d’intervention du fonds de secours via un “effet de levier”.

La France a alors dramatisé les enjeux, en présentant le sommet dimanche comme “décisif”, avant d’accepter finalement que les travaux se poursuivent jusqu’à mercredi. Le président Nicolas Sarkozy s’est rendu par deux fois auprès de la chancelière Angela Merkel, le 9 octobre à Berlin puis mercredi à Francfort, pour tenter d’aplanir les désaccords franco-allemands. Une troisième rencontre est prévue samedi à Bruxelles, à la veille du sommet.

“Depuis le début, Merkel dicte le tempo et impose ses recettes erronées”, peste un diplomate européen. “La France fait ce qu’elle peut pour éviter le pire, à sa manière, pas toujours heureuse”, soupire-t-il.

Les Français semblent maintenant décidés à imposer leurs solutions techniques pour éviter la contagion, au risque d’un bras de fer avec les Allemands et la Banque centrale européenne (BCE). Les diplomates européens se disent surpris par le fossé entre les deux puissances sur ce sujet.

Alors qu’elle semblait s’être résignée à l’abandonner, et que l’Allemagne assure sur tous les tons qu’elle “n’est plus sur la table”, la France continue de pousser la transformation du FESF en établissement bancaire afin qu’il puisse emprunter de l’argent auprès de la BCE, a-t-on appris de sources européennes concordantes. Elle va même plus loin, en proposant que ce soit la BCE, et non le FESF comme prévu, qui continue à racheter de la dette des pays fragiles sur le marché secondaire, ajoutent ces sources.

Au point d’agacer son allié. “Les Français ne bougent pas d’un iota”, a déploré Angela Merkel selon des propos rapportés par le quotidien allemand Bild.