Une foule nombreuse a pris d’assaut un bureau de vote installé dans une école
primaire d’El Menzah VI. Lassaâd, 20 ans, nous lance: «C’est la première fois de
ma vie que je vois un Tunisien faire la queue tout en souriant».
«C’est la première fois de ma vie que je vois un Tunisien faire la queue tout en
souriant», lance Lassaâd, 20 ans, étudiant en architecture, qui affirme ne pas
croire ses yeux.
Les commentaires vont train dans les quatre queues qui se dressent face aux
bureaux de vote installés dans l’école primaire Billel, à El Menzah VI. Souad,
chemise rose, pantalon et yeux bleus, soixante-dix ans, retraitée de l’éducation
nationale, estime que «la Tunisie vit, en ce 23 octobre 2011, une journée
exceptionnelle qu’elle n’a jamais vécue. Exception faite de l’indépendance du
pays en 1956».
«A ce moment là, j’étais, beaucoup plus jeune», sourit-t-elle. Elle ajoute:
«J’avais vécu l’événement comme un grand soulagement du fait que j’étais
méprisée dans ma classe dans mon propre pays. Aujourd’hui, c’est une autre
libération que je vis; je suis libérée de Ben Ali et des Trabelsi».
Une discussion interrompue par les «Dégage» de la foule
Dans la grande queue qui fait face au bureau de vote n°4, une autre retraitée,
Habiba, soixante-quinze ans, avance avec son tabouret. Un petit tabouret blanc
qu’elle fait avancer au fur et à mesure que la queue avance refusant les offres
de ceux qui lui proposent de céder leur place. Elle assiste, comme temps
d’autres, au spectacle d’un public nombreux venu accomplir son droit et devoir
électoraux.
Souffrant d’une hernie discale, elle a tenu quand même bon pour venir voter.
Elle ne dit pas s’ennuyer d’autant plus qu’elle est accompagnée d’une amie
d’enfance, qui loge chez son fils, dans le même quartier où Habiba et son époux
ont élu domicile depuis la moitié des années quatre-vingt.
La discussion qu’elle tient avec son amie d’enfance est souvent interrompue par
les «Dégage» lancés par les électeurs qui expriment leur mécontentement face à
ceux qui souhaitent «resquiller».Habiba nous raconte, à ce propos, comment la
foule des électeurs a lancé « Dégage » dans la matinée à l’endroit d’un
dirigeant d’un parti politique.
Des membres du gouvernement, qui habitent le quartier résidentiel d’El Menza VI,
ont été du reste aperçus dans ce bureau de vote. «L’un d’entre eux est venu avec
son parapluie pour se cacher du soleil en jean et chemise noires», se souvient
Habiba, qui est interrogée, dans la cours de l’école, par des journalistes de la
presse internationale.
«Il a fait la queue comme tout le monde donnant la preuve que beaucoup de choses
ont changé depuis le 14 janvier 2011», souligne Habiba. Qui ajoute que «pour
cela seulement, elle ne regrette pas d’avoir fait le déplacement».