Tunisie – Elections : Des aspirations en attente de réalisation

tunisie-vote-isie-centre-presse-102011.jpgIl est 7h30 et le bureau de vote, situé dans l’école primaire Ettadhamen 2, est
déjà plein à craquer. Une affluence extraordinaire qui reflète l’importance de
ce moment historique pour notre pays. Dans cette cité populaire qui a connu des
décennies de marginalisation, «wled ettadhamen» était au rendez-vous. Femmes,
hommes, vieux, jeunes, une mosaïque fantastique d’un pays qui célèbre la fête de
la liberté.

L’organisation du bureau de vote était assez satisfaisante exceptés les quelques
petits soucis dans les fils d’attente de la part des électeurs et électrices. On
faisait entrer un homme et une femme à chaque reprise, avec une priorité aux
vieilles personnes. Les membres du bureau, étaient là, bien accueillants, en
plus des observateurs et représentants des partis. L’armée était présente aussi
avec certains agents de l’ordre. Une équipe de télévision étrangère était même
sur place.

Réjouissance…

«C’est la première fois que je vote et je suis très heureuse. Nous avons
longtemps souffert de la marginalisation, de l’injustice et de l’inégalité
sociale. Il est temps qu’on prenne en main notre avenir et l’avenir de nos
enfants», lance Leila, une femme au foyer, alors qu’elle se tient dans une
longue file d’attente.

Comme elle, des dizaines de femmes sont venues au petit matin pour accomplir
leur devoir électoral. Un devoir qu’elles conçoivent comme une mission, un acte
de purification. «Non à l’injustice, non à la corruption, non à la privation des
droits. Nous voulons un pays libre, un pays prospère, un pays où chacun jouit de
sa liberté, de ses droits et respecte ses devoirs», affirme Malika.

Pour la jeune Rahma, qui est en année de baccalauréat, le souci premier est
l’employabilité des jeunes. Aspirant à être enseignante, elle indique qu’il est
primordial de trouver une solution au problème du chômage. Elle affirme qu’elle
a trois frères et cinq sœurs, tous diplômés de l’enseignement supérieur et qui
travaillent dans des domaines qui ne sont pas les leurs.

Un malaise…

Derrière cette lueur d’espoir, éveillée par les premières élections
démocratiques –espérons-le– en Tunisie, se cache aussi un malaise. «Nous sommes
frustrés par les conditions de vie, par l’augmentation des prix,
l’infrastructure inadéquate, les constructions anarchiques, la municipalité qui
ne fait pas son travail comme il faut. Et puis cette image péjorative de la cité
qui nous handicape même si c’est une cité dans laquelle on peut vivre
sereinement ou comme on dit “ezzaouali yaâich“. On ne veut pas être manipulé»,
souligne Sami, technicien supérieur.

Ridha Belhaj Ali, un ouvrier, frôlant les 70 ans, se plaint de difficultés qu’il
rencontre dans sa vie de tous les jours. «Mes enfants sont au chômage et je
m’arrange quotidiennement pour leur apporter ce dont ils ont besoin. J’espère
que ces élections nous apporteront la justice sociale à laquelle nous aspirons»,
souhaite-t-il.

Manque de confiance…

D’un autre côté, alors que certains ont pleinement confiance dans certains
partis qu’ils ont choisis, d’autres affirment qu’aucun ne leur inspire
confiance. Ils ne pensent qu’à gagner un siège dans la Constituante et à arriver
au pouvoir. Ils ne pensent pas à nous qui subissons toute cette injustice»,
estime Sami, le technicien supérieur. «La Constitution doit refléter les
aspirations des citoyens en premier degré», ajoute Anouar.

Tant d’aspirations qui attendent d’être réalisées, après ces élections.
Actuellement, on ne peut que se réjouir de l’affluence que connaissent les
bureaux de vote. Le taux de participation dépassera les 60%, selon Kamel
Jendoubi, président de l’Instance Supérieure Indépendante des Elections (ISIE).

Mais dans un quartier populaire comme Ettadhamen où le penchant religieux est
très fort, certains n’ont même pas cherché à savoir les programmes de tous les
partis, se suffisant à un seul parti, qui a une grande popularité ici. La jeune
Rahma nous a confié que c’était son seul choix dès le début. Vous avez deviné
quel parti il s’agit.

Quant au parti Ettahrir, non autorisé, et qui a son siège à Ettadhamen, il n’a
pas manqué aussi l’occasion pour distribuer des tracts très tôt le beau matin
devant les maisons. Il appelle à boycotter les élections, estimant qu’elles ne
sont pas pour l’intérêt du pays. Mais vu l’affluence, on peut aisément constaté
que cet appel n’a pas été entendu.