Chine : les candidats indépendants aux scrutins locaux en campagne sur le web

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à Pékin le 12 mai 2011 (Photo : Gou Yige)

[24/10/2011 13:50:24] PEKIN (AFP) Quand Yao Bo a annoncé sur l’internet qu’il se présentait à une élection locale en Chine, il a rejoint les rangs de dizaines de candidats indépendants qui utilisent l’internet pour faire la chasse aux voix –un nouveau phénomène vu d’un mauvais oeil par les autorités.

Avec plus d’un demi-milliard de Chinois internautes, les candidats indépendants sont en effet pour la première fois en mesure de diffuser leur message à un large public d’électeurs potentiels.

C’est pourquoi M. Yao, un écrivain de 39 ans, a décidé de s’aligner pour le scrutin, à un moment où de plus en plus de Chinois veulent jouer un rôle actif dans la société et où se lève un mouvement citoyen.

Le vote, prévu pour le 8 novembre, vise à renouveler les membres de l’assemblée locale du district de Changping de Pékin.

Les assemblées populaires locales sont en principe chargées de superviser l’action du gouvernement. Jusqu’à récemment, peu de gens en Chine accordaient d’attention aux élections (tous les cinq ans) de ces “parlements” de quartier, les scrutins étant selon les observateurs largement artificiels.

La plupart des candidats sont en effet choisis par le gouvernement ou des responsables du Parti communiste au pouvoir, même si en théorie les candidats indépendants peuvent participer s’ils ont le soutien d’au moins dix personnes.

En pratique, rares sont les candidats indépendants qui réussissent à obtenir le droit de concourir et encore plus rares sont ceux qui parviennent à se faire élire.

Et les pressions pour les dissuader sont fortes. Certains ont été menacés ou détenus, car selon des associations de défense des droits de l’Homme le gouvernement redoute une poussée des candidats indépendants à ce qui est l’une des seules formes de démocratie directe en Chine.

“Impossible d’affirmer que je n’ai pas peur. J’ai peur”, confie M. Yao. “Mais jusqu’ici je n’ai pas eu (de problèmes), sans doute parce que je suis discret”.

Cette année, dans toute la Chine, 140 candidats indépendants ont décidé de se présenter aux élections de quartier, a comptabilisé le World and China Institute, une ONG regroupant des universitaires et des analystes.

Contrairement aux précédentes éditions, la Toile est venue éclairer d’un jour nouveau ces scrutins, les personnes en lice pouvant y exposer leurs arguments de façon bien plus efficace. Et notamment grâce à la montée en puissance de “Weibo”, l’incontournable service de micro-blogs inspiré de Twitter.

Les candidats peuvent toucher des “plus larges auditoires dans le pays ainsi que des journalistes, des intellectuels et des citoyens plus engagés et plus au fait de la politique”, explique David Bandurski, chercheur du China Media Project basé à Hong Kong.

Yao Bo dispose de plus de 300.000 “suiveurs” sur Weibo et il sait mettre à profit la capacité de propagation de messages de la Toile.

“Cette année est différente des autres années, car la masse d’informations est plus grande et les méthodes de communication sont beaucoup plus rapides, (donc) votre voix ne peut pas être étouffée”, assure-t-il.

Mais cela ne s’est pas encore traduit par un bouleversement des résultats après dépouillement. Seuls deux candidats indépendants sont connus pour avoir remporté une élection locale, les scrutins se déroulant à des dates et des lieux divers.

Guo Huojia, originaire de la ville méridionale de Foshan, est l’un de ces deux heureux élus. Contacté par l’AFP, il n’a pas souhaité parler de sa victoire électorale. Mais son avocat, Liu Xiaoyuan, a confirmé que celle-ci était mal vue par les autorités.

“Le gouvernement est évidemment mécontent de l’existence de candidats indépendants, parce que beaucoup d’entre eux sont des pétitionnaires et des défenseurs des droits”, a souligné M. Liu. En Chine, les pétitionnaires sont les citoyens qui prennent le risque de faire remonter leurs doléances jusqu’aux autorités centrales.