Les grandes tendances exprimées jusqu’ici montrent que tout est possible en matière de formations de coalitions pour la constitution d’un gouvernement. Les coalitions gouverneront-t-elles par «procuration»? Voudraient-elles aller au charbon? Opteront-elles en définitive pour un gouvernement d’union nationale? Mais quelles sont les coalitions possibles? Voici, en quelques mots, le pour et le contre. Analyse.
C’est un fait: les résultats définitifs ne seront connus que le mardi 25 octobre 2011, à l’occasion de la conférence de presse organisée par kamel Jendoubi, président de l’ISIE (Instance Supérieure Indépendante des Elections). Mais dores et déjà des informations glanées ici et là semblent exprimer de grandes tendances qui préfigurent les forces en présence dans la Constituante.
Six mouvements politiques semblent émerger du lot et devront, à ce titre, jouer un rôle primordial, qu’il s’agisse de la rédaction de la nouvelle Constitution, dont sera doté le pays au sortir de la Constituante, ou de la gestion des affaires du pays.
Grosso modo, le mouvement Ennahdha, le Congrès Pour la république (CPR), le Forum Démocratique pour le Travail et des Libertés (FDTL dit également Ettakatol), le Pôle Démocratique Moderniste (PDM, qui est composé de partis politiques dont Ettajdid, ex-Parti Communiste Tunisien) et de personnalités indépendantes, et la Motion Populaire (Al Arrida Achaâbia) semblent avoir, pour l’essentiel, la faveur des Tunisiens.
Le mouvement Ennahdha devra, à ce propos, être le parti qui aura obtenu la majorité des voix des Tunisiens et être le parti sans lequel rien ne semble pouvoir se faire, qu’il prenne place dans la majorité gouvernementale de demain ou dans l’opposition. Le Code électoral ne permettra, cela dit, à aucune force politique d’obtenir la majorité de sièges et tout mouvement, quel que soit son poids électoral, devra de ce fait rechercher des alliances pour pouvoir gouverner.
Les indépendants, cette grande inconnue
La coalition des partis politiques majoritaires à la Constituante pourra-t-elle constituer un gouvernement? La question reste totalement posée en l’absence des résultats définitifs. On évoque, à ce propos, notamment, la grande inconnue qu’est le nombre de sièges obtenu par les listes indépendantes.
Pour certains, ces listes pourraient peser lourdement dans la balance. On estime en effet que certaines de ces listes n’ont d’“indépendance“ que de nom. Elles seraient des «filiales» ou encore des «succursales» de partis politiques qu’elles ne pourraient que rejoindre le moment venu.
Quoi qu’il en soit, on pourra échafauder les quelques scénarios suivants. A commencer par celui que la coalition qui sera formée laissera le pays gouverné par «procuration». Elle pourrait accepter que le pays soit dirigé par un gouvernement de technocrates auquel la coalition se limitera à accorder sa confiance mais en lui imposant une feuille de route et des lignes de conduite, au travers d’un contrôle par le biais de la seule structure légitime: la Constituante.
Et en adoptant l’attitude suivante: si cette coalition réussit, c’est grâce à la coalition qui l’aura choisie, et si elle échoue, ce n’est pas la faute de la coalition qui n’a pas mis la main à la pâte.
Mais si ce scénario est défendu par quelques militants des partis politiques qui redoutent qu’un gouvernement constitué par des «politiques» issus de la majorité ne puisse aller jusqu’au bout de ses ambitions, c’est loin d’être le cas de la majorité des militants des partis en présence.
La majorité des militants des partis politiques qui comptent, et qui sont cités plus haut à l’exception sans doute du PDM, souhaitent gouverner par eux-mêmes.
Tout peut changer jusqu’à la dernière minute
A ce niveau de la réflexion, l’envie d’occuper un maroquin pourrait pousser certains à des coalitions contre nature. Même si certaines semblent apparemment difficiles comme celle qui regrouperait Ennahdha et le PDP, en considération notamment du contentieux entre ces deux mouvements politiques, ou entre Ennahdha et le PDM, qui ne semblent être d’accord sur rien, à commencer par les choix sociétaux.
Mais qui pourrait prédire que le mouvement Ennahdha, qui est crédité d’un raz de marrées, fera partie de toutes les alliances en vue de constituer un gouvernement?
Cela dépendra beaucoup des résultats définitifs concernant le nombre de sièges au sein de la Constituante. Certains n’éloignent pas l’idée que le CPR, Ettakatol, le PDP, le PDM et d’autres mouvements politiques qui sont crédités de sièges comme l’UPL (Union Patriotique Libre) ou encore le pôle destourien (Al Moubadra, Al Wattan,…), qui semble avoir gagné du terrain dans le Sahel, puisse se constituer en groupe. Ceux qui avancent ce scénario estiment que les partis centristes ou de gauche éviteraient de tomber dans des calculs politiciens en vue de ne pas perdre une partie de leur base.
A moins que l’on s’oriente vers un autre scénario tout à fait plausible qui consisterait à constituer un “gouvernement d’union nationale“, et ce vu les circonstances: la courte période au cours de laquelle la Constituante devra siéger (une année ou peut-être moins), l’énormité des problèmes, du reste épineux, économiques et sociaux, et les concessions qui devront être faites, ici et là, pour construire des alliances.
Attendons donc le mardi 25 octobre 2011 pour voir plus clair. Ou même le jour même de la réunion de la Constituante. Car tout peut changer jusqu’à la dernière minute.