Les Tunisiens ont ébloui le monde par leur révolution. Ils ont largement surpris par leur près de 80% de taux de participation aux élections. Aujourd’hui et à quelques heures du résultat final des urnes, je m’étonne de l’étonnement du succès d’Ennahdha. Entre ceux qui s’en réjouissent et ceux qui crient même au secours, à la limite d’appeler au retour du protectionnisme de la dictature, il y a un écart monstre. Amel Djait Belkaid. www.mille-et-une-tunisie.com
Un écart à la dimension de ces multiples “Tunisies“ qui ont longtemps vécu ensemble tout en s’ignorant et s’accommodant d’une situation dangereuse qui a fini par exploser. Aujourd’hui, les vrais perdants sont ceux qui, au lieu de se concentrer sur les véritables aspirations du peuple, ont continué à le brouiller et diviser. Faux débats, fausses polémiques, listes interminables d’indépendants, manipulations médiatiques… Le peuple a tout ignoré. Il a occulté une campagne électorale qui n’a pas su lui parler et expliquer les enjeux en question pour cette Assemblée constituante.
A force d’avoir voulu le flouter, c’est le peuple tunisien qui a tranché. 50 ans de désintérêt de la chose politique qui laissent place à 9 mois de boulimie, n’ont pas réussi à changé grand chose à sa principale préoccupation depuis l’explosion de la colère tunisienne: casser le système en place et garantir un vrai changement.
Pour ceux qui ne le savent pas, cela s’appelle des élections avec des perdants et des gagnants. Respecter le résultat des urnes est une condition sine qua non au vivre ensemble en démocratie. Alors qu’au niveau des protagonistes, le changement ne pouvait prendre que le seul visage d’Ennahdha, deux partis politiques ont réussi à émerger et susciter du respect et de l’intérêt. Pour les jeunes et les révolutionnaires, cela a pris le visage du CPR. Pour la petite bourgeoisie intègre et bonne enfant, ce sont les valeurs d’un homme profondément démocrate, Mustapha Ben Jaafar, qui ont rassurés.
La part des débats sur la laïcité…
Si le peuple a tranché en ignorant les débats dont il ne se sentait pas concerné, ce sont les débats comme la laïcité et le jeu stérile de la polarisation qui l’ont aussi décidé. A quelques heures du résultat final des urnes, seuls les partis politiques qui ont évité ce jeu sont les gagnants de ces élections. Désormais, Ettakatol et le CPR sont les partis qui vont influencer le plus l’échiquier politique tunisien.
Ennahdha a gagné. Fallait-il en douter? Le parti avait gagné avant d’aller aux urnes. Gagnera-t-il pour autant sur toute la ligne? Certainement pas. La seule gagnante de ces élections c’est la Tunisie. Au vu des premiers indicateurs des résultats et du mode de scrutin choisi pour cette Assemblée Constituante, la Tunisie moderne n’est plus en danger.
Notre pays sort grandi de ces élections et a superbement négocié ce tournant. Désormais la démocratie n’est plus une chimère incompatible avec un peuple arabo-musulman. Les principaux acquis de l’ancienne Constitution ne sont nullement en danger. Il est clair que c’est pendant les révolutions que l’on peut aspirer à plus mais le mieux ne devient-il pas du bien en prenant en considération les besoins et la réalité actuelle?
Pour veiller sur la Tunisie et faire face à tous ceux qui s’essaieraient à lui porter atteinte, s’élèveront désormais des partis politiques qui vont murir et se reconstruire, des associations de la société civile qui restent vigilantes et des citoyens à part entière.
Camp moderniste, la nécessaire analyse des causes de la défaite annoncée
Le camp moderniste saura décortiquer sa débâcle et recentrer son attitude et discours pour rassurer et apaiser un peuple qui a démontré son choix. Par sa forte mobilisation, le peuple a exprimé son engagement dans la reconstruction de son pays. Ceux qui devaient voter Ennahdha par conviction l’ont fait, nul doute. Ceux qui voulaient voter Ennahdha par sanction, l’ont fait aussi, et ce sont ceux qui n’étaient pas décidés à voter du tout qui ont afflué en fin de soirée vers les bureaux de vote. Par cette mobilisation, ils ont exprimé leur volonté de participer à ce changement démocratique dans leur pays.
Le résultat final que l’on attend avec impatience montre que la Tunisie ne se gouverne qu’au centre et dans le cadre d’un consensus sur le plus large dénominateur commun. Désormais, il s’agit d’apaiser, rassurer et créer des passerelles entre ces divers Tunisiens et Tunisiennes qui se sont exprimés un certain 23 Octobre inoubliable. N’est-ce pas là toute la richesse et la pluralité de notre pays tolérant et ouvert?