«Les Juifs de Tunisie sont-ils en danger?», s’étaient demandés certains au lendemain du 14 janvier 2011. Neuf mois après la révolution, l’inquiétude que de tels propos –assez répondus à l’époque- instillaient semble largement dépassée. Tant du côté de la communauté juive que du reste de la population.
En effet, personne ne semble aujourd’hui tenir rigueur à nos concitoyens de confession juive du soutien qu’ils ont apporté à Ben Ali. De leur côté, les Juifs de Tunisie –et de France- semblent avoir déjà tourné cette page et se mettre à l’heure de la nouvelle Tunisie, tant politiquement qu’économiquement.
Politiquement, la communauté juive a participé à l’élection de l’Assemblée constituante à travers deux de ses membres. Il s’agit de René Trabelsi, qui s’est présenté sous les couleurs du parti Al Mostaqbal (l’Avenir), l’une des formations issues de l’ex-RCD, et fondée par Sahbi Basli, ancien gouverneur et ambassadeur, et de Gilles-Jacob Lellouche, candidat sur une liste de l’Union Populaire et Républicaine de Lotfi M’raihi.
La communauté des affaires envoie elle aussi un message similaire. Ainsi, il n’est peut-être pas insignifiant que deux businessmen de confession juive ait choisi –acte de foi dans la nouvelle Tunisie?- de reprendre à investir en ce moment précis. Le premier est Patrick Sebag, propriétaire d’un village de vacances (Touring Club) et de l’une des discothèques-bars la plus huppée de Tunis –également actif dans l’élevage de cochons et la distillerie- qui renforce son activité. En effet, il vient de créer Gest’Hotel, une société d’exploitation de tous types de complexes touristiques, dotée d’un capital de 250.000 dinars.
De même, Gabriel Kabla, ce franco-tunisien, cadre du Rassemblement Constitutionnel Démocratique (RCD), l’ex-parti au pouvoir, qui vit en France mais a des projets en Tunisie –précisément à Djerba- continue à développer ses affaires en Tunisie, malgré le nouveau contexte politique. Ce médecin exerçant dans la banlieue parisienne poursuit la diversification de son activité économique dans son pays d’origine. Trois mois après s’être lancé dans le tourisme, il investit dans l’immobilier en créant l’Immobilière Diar Rosine, avec 150.000 dinars de capital.
Ces deux initiatives pourraient signifier que la communauté d’affaires juive, qui entretenait des relations très étroites avec le régime en place au cours des 23 dernières années –le Grand Rabin de Tunisie a été l’un de ceux qui ont appelé le président déchu à présenter sa candidature à la présidentielle de 2014- n’entend pas, comme certains l’ont craint après le 14 janvier 2011, quitter la Tunisie post-Ben Ali. D’autant que la communauté juive tunisienne a pu se rassurer sur son sort dans la nouvelle Tunisie, grâce à de discrets contacts que Roger Bismuth a récemment eus avec les dirigeants du Mouvement Ennahdha.