Dans l’analyse à chaud des élections de la Constituante, on peut dire que celles-ci ont été libres, ouvertes et réellement démocratiques, avec un taux de participation de plus de 80% pour les inscrits volontaires. Cela suppose donc que les Tunisiens ont fait leur choix de manière démocratique. Même s’il faudrait –un jour- nuancer cela.
Intéressons-nous, tout d’abord, au 40% de taux de participation parmi le corps électoral (Estimation), relativement faible, il est vrai, et posons-nous la question de savoir pourquoi ce refus d’une majorité des Tunisiens à s’inscrire et à voter.
Cependant, le point le plus important réside dans le fait que, à l’image de ce qui se passe dans certaines grandes démocraties du monde, c’est qu’au stade actuel des résultats, on est en face de deux pôles, deux projets de sociétés qui s’opposent. En quelque sorte deux “Tunisie“, comme diraient les sociologues: l’une urbaine, bourgeoise, intégrée, connectée et ouverte, et l’autre rurale et souvent pauvre, ouvrière, exclue et qui, par-dessus tout, n’a pas eu sa chance depuis plus de 50 ans.
Selon les résultats provisoires, Ennahdha, d’obédience islamiste, conservateur, à l’image de la Démocratie chrétienne en Europe voire du Likhoud en Israël, obtiendrait 40%, soit une majorité relative. Mais déjà, certains relèvent un point positif chez Ennahdha, celui d’inscrire la liberté de la femme dans la Constitution, ainsi que la liberté de culte et de pensée ; sans oublier le fait de gouverner avec les autres composantes de la société.
Donc, Ennahdha devra faire sa mue d’un parti politique d’opposition vers un parti de gouvernement. Un homme d’affaires affirme même “être, pour le moment, optimiste…“. Selon notre interlocuteur, “si Ennahdha ne réalise pas sa promesse, il en fera les frais lors des prochaines élections“.
Nous aurons une opposition socio-démocrate centriste, composée de 4 parties qui obtiendraient environ 40% des voies… Avec un choix libéral mais qui devra chercher une plateforme politique commune et viser l’alternance dans les prochaines échéances électorales.
Pour ce faire, ce pôle politique doit se construire et tenter de s’unir et penser à un programme politique et économique commun -à l’instar de l’UMP en France qui compte plusieurs formations politiques. Cela ne devrait pas causer de problèmes, estime notre interlocuteur, et ce d’autant plus qu’il ne trouve pas de “différence entre Chebbi du PDP, Ben Jaafar d’Ettakatol, Marzouki du CPR et Yassine Ibrahim d’Afek Tounes“. Il conseille donc à ces partis de ne pas systématiquement s’opposer à Ennahdha mais plutôt de se constituer comme “une alternative“, notamment en identifiant les différences en termes d’approches de développement…“.
Il faut affirmer aux Tunisiens que ce pôle dit “du centre“ se réclame lui aussi de l’Islam, chose que tous les Tunisiens semblent revendiquer aujourd’hui.
“Le reste, c’est la poubelle de l’histoire, les Tunisiens ne veulent ni de nationalistes et de leur idiologie des années 50, ni des indépendants, ni des amateurs de la politique, ni des partis d’extrême gauche“, pense-t-il. Et plusieurs voix doivent se taire et comprendre qu’elles n’ont aucune représentativité parmi la population et que leur place peut être parmi l’élite intellectuelle, de visionnaires ou dans la société civile.
Mais tout cela est secondaire, car il faut attendre et voir surtout les premières mesures économiques du prochain gouvernement de transition. Car, sans aucun doute, le problème de la Tunisie n’est ni la langue arabe, ni la religion musulmane et encore moins la prière ou le voile qui demeurent des choix personnels. Par contre, les vraies questions sont: comment résoudre le problème du chômage, comment tranquilliser la communauté internationale et des affaires, qu’elles réponses pour le tourisme.
En somme, l’urgence aujourd’hui c’est de dépasser le débat des idéologies pour apporter des solutions au quotidien du Tunisien (pauvreté, chômage, misère…). Malheureusement, nous n’avons pas assez de solutions, surtout dans un contexte mondial de récession. Cela, il est fondamental de donner leur chance aux vainqueurs, et ne pas insulter l’avenir, comme dirait Bourguiba.