Il vient de faire la surprise avec sa liste «Alaridha Achaâbya» qui a obtenu jusqu’à 90% des voix dans certains bureaux de vote de Sidi Bouzid. Son nom: Mohamed Hechmi El Hamdi. Les Tunisiens qui n’ont pas la mémoire courte se souviennent encore de lui.
La scène se passe le soir du lundi 24 octobre 2011 sur le plateau d’«Al Mostakela», une chaîne de télévision arabe installée à Londres. L’animateur de l’émission «invite» le directeur et propriétaire de cette chaîne, Mohamed Hechmi El Hamdi, qui se prête à «une interview».
L’«interview» est entrecoupée d’interventions de téléspectateurs tunisiens pour l’essentiel qui viennent apporter leur soutien indéfectible à M. El Hamdi et à sa liste Alaridha Achaâbya (La motion populaire), qui a constitué une des surprises de l’élection du 23 octobre 2011.
Mohamed Hechmi El Hamdi profite de ce «débat» pour réciter, à l’antenne, une sourate du Coran à la mémoire des martyrs de la Révolution du 14 janvier 2011 en insistant sur le fait qu’elle est partie de Sidi Bouzid et en souhaitant qu’elle soit appelée révolution du 17 décembre 2010, date de son déclenchement.
Tirer à boulets rouges sur le président déchu
La liste de M. El Hamdi, une «illustre inconnue», avant que les Tunisiens ne découvrent qu’elle a obtenu un nombre respectable des sièges et la majorité écrasante dans certaines circonscriptions. Elle a raflé 90% des voix dans certains bureaux du gouvernorat de Sidi Bouzid.
L’homme qui a, de plus, dirigé la campagne électorale du siège de sa télévision en Grande-Bretagne sans mettre les pieds en Tunisie -une télévision qu’il a utilisée des mois durant pour défendre sa liste-, n’est pas un inconnu pour nombre de Tunisiens qui n’ont pas la mémoire courte.
Originaire de Sidi Bouzid, ce Tunisien est un militant islamiste qui a quitté la Tunisie, dans les années quatre-vingt, pour s’installer à Londres. Il se fait passer pour un islamiste indépendant et s’engage dans les affaires en créant dans la foulé une chaîne de télévision: «Al Mostakela».
Il se présente au début comme un adversaire du régime du président déchu Zine El Abidine Ben Ali. Nombre de Tunisiens se souviennent en effet encore comment au début des années 2000, il a consacré un programme de sa télévision, tous les dimanches après midi, pour tirer à boulets rouges sur le régime du président déchu.
Changement de ton
Et puis, et tout d’un coup, revirement, le discours de M. El Hamdi change de ton. L’homme apparaît sur le plateau de sa télévision, dans l’année 2002, pour nous dire qu’il a «joint au téléphone» le président de la République à l’époque pour évoquer ceci et cela et notamment que ce dernier lui a promis d’apporter une solution rapide à telle ou telle question.
C’est à la même période que M. El Hamdi évoque le fait qu’il serait «autorisé» à lancer une télévision en Tunisie pour laquelle il a même choisi un lieu: la ville de Hammamet.
C’est également à la même époque qu’il ne tarit pas d’éloges à l’endroit de l’épouse du président déchu, Leïla Trabelsi.
Ce qui ne manquera pas de susciter, le moins qu’on puisse dire, des interrogations dans l’opinion. On fait remarquer, dans certains milieux, et dans ce même ordre d’idées, le fait que pour faire un aussi important «revirement», l’homme aurait bénéficié des «subsides» du régime du président déchu. On dit que les archives de l’ATCE pourraient le prouver.
Certains observateurs font remarquer que l’homme aurait bénéficié, par ailleurs, à un certain moment, d’un soutien financier de la part de régimes arabes, dont le Yémen et le Soudan. Les relations entretenues entre M. El Hamdi et le leader islamiste soudanais Hassan Al-Tourabi, dans les années quatre-vingt-dix, ne seraient plus à prouver. Ce dernier, très proche, en un temps du président soudanais Al Bachir, avant qu’il l’emprisonne, a dirigé le Parlement soudanais.