Tunisie : Rapport BCT 2010… Le ton a nettement changé

bct-0110-320.jpgLa publication du rapport de la Banque centrale de Tunisie, exercice 2010, qui vient d’être présenté, un jour avant l’élection de la Constituante, au président de la République par intérim, Foued Mebazaa, aurait pu passer inaperçue et même improductive au regard des changements profonds générés par la révolution du 14 janvier 2011.

Pourtant, ceux qui prendront l’initiative de le lire ne le regretteront pas. Le ton y a beaucoup changé. Le positivisme «au forceps» de l’ancien gouverneur de la BCT, Taoufik Baccar, a laissé la place à des évaluations objectives de la situation économique et financière du pays. Dans ce rapport, le 52ème depuis l’accès du pays à l’indépendance, la BCT s’est employée à jouer pleinement son rôle de contrepouvoir au gouvernement et de rappeler, en toute objectivité, ce qui fait la force et la faiblesse de l’économie.

Ainsi, en évoquant le chômage dans la lettre introductive, Mustpaha Ennabli relève qu’en 2010 «le taux de chômage s’est maintenu à environ 13% avant d’ajouter cette nuance de taille: «une moyenne qui cache des taux nettement plus élevés pour les jeunes diplômés de l’enseignement supérieur et surtout pour les régions de l’intérieur du pays».

Nous sommes bien loin du ton d’autosatisfaction et du maquillage.

Deuxième indice d’une nouvelle mentalité qui règne dans la BCT: la dénonciation sans ambages de la vulnérabilité du commerce extérieur tunisien. Pour M. Ennabli, «le faible rythme de la croissance économique (+3%) et la hausse des prix mondiaux des produits de base, en particulier ceux des denrées alimentaires et de l’énergie, se sont traduits par une détérioration des équilibres macroéconomiques (le déficit courant des paiements extérieurs a connu une aggravation atteignant 4,8% du PIB contre 2,4% en moyenne au cours des cinq dernières années, en relation avec l’accentuation du déficit commercial et le ralentissement des exportations de services. Ces évolutions, conjuguées au fléchissement des investissements directs étrangers (IDE), ont impacté négativement la balance des paiements et par conséquent les réserves en devises, revenues à l’équivalent de 147 jours d’importation».

Le gouverneur de la BCT en tire cette belle conclusion à laquelle on n’était pas habituée: «Cela traduit, selon lui, la vulnérabilité du secteur extérieur face à l’instabilité des prix des produits de base, d’une part, et la volatilité des marchés financiers internationaux, d’autre part, et pose par conséquent la problématique de la soutenabilité à moyen terme de la position extérieure de la Tunisie».

Moralité: les gouvernements, habitués à ne pas rendre compte de leurs politiques, devraient dorénavant cogiter avec sérieux sur ces vulnérabilités, tout autant qu’aux autres fragilités structurelles de l’économie: insuffisance de l’investissement privé, faible taux d’intégration de l’économie tant au niveau des secteurs d’activité qu’à celui des différentes régions du pays, stagnation des parts de marché à l’exportation, autant de limites qui expliquent l’incapacité de l’économie du pays à répondre aux exigences de résorption du chômage, surtout des jeunes diplômés.

La BCT voit dans la révolution, un stimulant de croissance et d’équité

Côté perspectives, la BCT adhère, à travers ce rapport, aux objectifs de la Révolution du 14 janvier 2011, salue son inspiration de valeurs universelles de dignité, de liberté, de démocratie et de justice sociale, et surtout ouvre à notre pays de larges perspectives de développement économique et de progrès social à moyen terme à travers la libération des initiatives, l’assainissement du climat des affaires et la réhabilitation des valeurs du mérite et de l’équité…

Après avoir rappelé les mesures prises en temps de crise pour relancer l’investissement (réduction du taux de la réserve obligatoire de 12,5% à 2%, abaissement du taux d’intérêt directeur de la BCT de 4,5% à 3,5%), le gouverneur de la BCT a annoncé des prémices d’amélioration de la conjoncture économique (1,5% de croissance au 3ème trimestre contre une croissance négative de 3% durant le premier trimestre de l’année).

Pour M. Ennabli, «l’enjeu crucial est de rattraper dans les meilleurs délais le retard accusé par l’activité économique et d’amorcer ensuite la mise en œuvre d’un programme économique à la mesure des ambitions de la Tunisie, à même de relever la performance de l’économie et d’assurer une croissance forte et inclusive à travers la mise en valeur des atouts dont dispose notre pays, en particulier la qualité de ses ressources humaines et son positionnement stratégique, et la mise en place d’un système de gouvernance démocratique».