C’est dans une salle aux Berges du Lac de Tunis que s’est tenue, le 28
octobre2011, la première conférence du parti Ennahdha après la proclamation des
résultats préliminaires. Des résultats qui ont confirmé la victoire d’Ennahdha
dans les élections de l’Assemblée Nationale Constituante, en remportant 90
sièges sur un total de 217, soit une part de 41,47%. Selon Abdelhamid Jelassi,
coordinateur de la campagne électorale du parti, le nombre de voix accordées à
Ennahdha s’élève à 1.501.418, soit 40,55% du total des votants (3.702.627 voix).
Pour annoncer la couleur, des versets coraniques ont inauguré la séance, donnant
un avant-goût à ce que pourrait ressembler la Tunisie post-révolution, une
Tunisie aux couleurs islamiques. Des islamistes au pouvoir, ceci pourrait
paraître effrayant pour certains. Mais à Ennahdha, on rassure. «La base de la
religion est la liberté. Ennahdha veillera à sa préservation. Il en est aussi du
rôle de l’Etat de protéger les droits des personnes et non de les réduire»,
affirme Rached Ghannouchi, leader du mouvement.
Conciliation…
Parlant de l’Etat, le parti islamique se met déjà dans la peau du gouvernement.
D’ailleurs, Hamadi Jebali, son secrétaire général, indique que la nomination du
Premier ministre devrait revenir à Ennahdha, puisqu’elle a eu la majorité des
voix. Concernant la composition du gouvernement transitoire, elle fera l’objet
de pourparlers avec les autres partis. Une première rencontre a eu lieu avec
Mustapha Ben Jaâfar, président du parti Ettakatol.
«Nous recherchons la conciliation. Nous avons entamé les discussions avec deux
partis, à savoir le Congrès pour la République et Ettakatol. Notre objectif est
de créer un gouvernement de coalition, avec pour point de départ les principes
proclamés par le mouvement du 18 octobre 2005», indique M. Jebali. D’ailleurs,
ce sont les partis qui ont une histoire commune avec Ennahdha qui seront
privilégiés. Il ajoute que ces discussions portent sur le processus politique en
cours et sur le programme de gouvernement.
Concernant le cas de la “Pétition populaire“ (Al Aridha Achaâbia), M. Ghannouchi
a affirmé que le parti accorde une entière confiance à l’Instance Supérieure
Indépendante pour les Elections (ISIE) et au tribunal administratif. Il précise
que les discussions entamées jusqu’ici ont concerné les partis et non les listes
indépendantes. M. Jebali assure que la composition du gouvernement transitoire
sera annoncée d’ici une semaine ou plus après l’annonce des résultats
définitifs.
M. Ghanouchi affirme que le parti s’engage à respecter l’accord qui a été mis en
place pour l’Assemblée Nationale Constituante. Le gouvernement transitoire ne
devrait pas rester plus d’une année. «Nous aimerions naturellement rester plus
mais notre engagement ne nous le permet pas».
Nouvelles politiques…
D’un autre côté, il souligne que la prochaine période sera une rupture totale
avec le passé, avec de nouvelles politiques mais aussi de nouveaux visages. La
priorité sera accordée à la sécurité et à la réforme de la justice. Sur ce
point, M. Ghannouchi estime que la réforme sera approfondie, insistant sur le
fait que les dossiers seront traités avec neutralité, en évitant toute revanche
collective et gratuite. Il s’agit aussi de combattre la corruption et de
reprendre l’argent confisqué.
Le nouveau gouvernement comportera aussi des visages féminins. Voilées ou pas,
ce n’est pas la question. Ennahdha se dit engagée à préserver les acquis de la
femme tunisienne en matière de droits. «La femme tunisienne aura un rôle
important dans la décision politique. Il suffit de savoir que 42 femmes
représenteront le parti Ennahdha dans l’Assemblée Constituante», lance M.
Ghannouchi, en ajoutant que 46,66% des voix féminines ont été accordés à
Ennahdha.
En ce qui concerne les événements à Sidi Bouzid, il a appelé au calme, craignant
que les ex-RCD aient propagé des rumeurs sur des déclarations erronées de Hamadi
Jebali. «Nous avons débuté notre campagne électorale à Sidi Bouzid. Et nous
promettons que Sidi Bouzid aura la priorité dans les projets de développement.
Elle a allumé le feu de la révolution et elle devra être plus attentive à la
protéger», précise-t-il.
Préserver l’investissement…
Pour ce qui est de l’aspect économique du programme d’Ennahdha, M. Jebali
affirme qu’une attention particulière sera accordée au secteur touristique.
«C’est un secteur qui emploie des milliers de Tunisiens. On ne peut pas
l’ignorer. On œuvrera à encourager l’investissement dans ce secteur, à traiter
ses problèmes et à diversifier ses offres. Je vous informe que j’ai prévu une
rencontre avec le président de la Fédération tunisienne de l’hôtellerie»,
explique-t-il.
Le marché financier, qui a connu des perturbations ces derniers jours, devra
être rassuré, selon M. Ghannouchi. Dans une rencontre avec les intermédiaires en
Bourse, il a précisé que l’islam n’est pas contre le commerce des actions et que
son parti va encourager l’investissement dans le marché boursier. De même, il
œuvrera à la mise en place de réglementations pour préserver les investissements
et lutter contre la corruption.