ésident de la BCE Jean-Claude Trichet le 26 octobre 2011 à Bruxelles (Photo : Georges Gobet) |
[31/10/2011 07:20:15] FRANCFORT (AFP) Le mandat de huit ans de Jean-Claude Trichet à la tête de la Banque centrale européenne (BCE) s’achève lundi, en pleine crise d’une zone euro qu’il a appelée sans relâche à se renforcer politiquement.
“Nous sommes l’épicentre de la crise la plus grave depuis la Seconde Guerre mondiale”, a déclaré ce fervent défenseur de la construction européenne lors de sa dernière audition devant le Parlement européen, en octobre.
Des propos qui ont sonné comme une ultime tentative de pousser à l’action les responsables politiques, qui auraient tardé à mesurer la gravité de la situation et à se donner des moyens d’en sortir.
Depuis, un sommet a permis d’arracher des avancées: le fonds de secours européen (FESF) sera renforcé, comme la discipline budgétaire.
Des sommets de la zone euro seront aussi programmés pour en améliorer la gouvernance, une demande répétée de la BCE dont la mission de faire vivre une monnaie commune à 17 Etats souverains disparates s’avère ardue. Mais si un changement de Traité est désormais évoqué, il ne s’agit pas encore de créer le ministère des Finances européen évoqué régulièrement par M. Trichet.
ésident sortant de la BCE Jean-Claude Trichet le 21 octobre 2011 à Varsovie (Photo : Wojtek Radwanski) |
Au cours des quatre dernières années, l’ancien directeur du Trésor français et président de la Banque de France, qui aura 69 ans en décembre, n’a épargné ni sa peine ni sa réputation pour porter secours aux banques de la région et tenter d’empêcher que l’économie ne soit affectée.
C’est sous son impulsion que l’institution de Francfort, encore en chantier à son arrivée en 2003, a pris dès août 2007, aux prémices de la crise financière, des mesures exceptionnelles pour éviter une panne de liquidités aux banques, faisant montre “d’une plus grande rapidité et lucidité que la Réserve fédérale américaine”, souligne Gilles Moëc, économiste de Deutsche Bank.
C’est aussi sous sa houlette que la décision taboue de racheter des obligations souveraines sur le marché secondaire a été entérinée au printemps 2010 pour tenter de mettre un frein à l’envolée des taux d’emprunt grecs.
Une décision qui a valu à la BCE le qualificatif peu flatteur de “bad bank” en raison des risques pris sur son bilan et les critiques acerbes des Allemands qui lui reprochent d’avoir dévié de sa mission première, le combat contre l’inflation, ainsi que de mettre à mal son indépendance vis-à-vis des Etats.
“Nous avons essayé de rester aussi prudents que possible. Mais nier la gravité de la crise aurait été une erreur terrible”, a rétorqué récemment M. Trichet
Sans ces rachats, “il y avait risque d’éclatement de la zone euro”, estime Christian Schulz, économiste de la banque Berenberg.
Bruno Cavalier, économiste du courtier Oddo Securities, loue aussi son pragmatisme: “Trichet, c’est quelqu’un d’orthodoxe dans sa philosophie monétaire mais qui sait hiérarchiser les problèmes”. Et sa capacité à réunir un consensus au sein du Conseil des gouverneurs de la BCE.
Pour Jean Pisani-Ferry, directeur de l’institut d’analyse économique Bruegel, “cela renvoie à l’autorité personnelle” de celui qui fut l’un des pères fondateurs de l’euro et “a en tête l’intérêt général de la zone face à des dirigeants européens enclins à considérer leur intérêt national”.
L’homme au discours mesuré est aussi capable de coups de colère. Comme face aux critiques allemands, auxquels il a réclamé des compliments pour son bilan “impeccable” sur l’inflation maintenue sous son mandat à 2,02%, soit “bien mieux” que n’a fait la Bundesbank.
Pour certains, comme le prix Nobel d’économie Paul Krugman, cette “obsession” de l’inflation et de la rigueur se fait au détriment de la croissance et des populations, qui vont désormais manifester jusque devant les portes de la BCE.
Ce à quoi M. Trichet, qui a pris la décision critiquée cet été d’augmenter son principal taux directeur face à un rebond des prix, répond inlassablement que “pour les plus faibles, les plus pauvres, la stabilité des prix est essentielle”.
Apparu fatigué ces dernières semaines, il s’en va en laissant en héritage à son successeur l’Italien Mario Draghi une crise dont l’issue reste très incertaine mais aussi une BCE “rassurée sur son rôle et son indépendance”, estime Gilles Moëc.
Cet amateur de poésie a annoncé qu’il allait lire et s’occuper davantage de ses quatre petites filles.