L’Histoire serait-elle un éternel recommencement? C’est du moins ce qu’on dit. La similitude des comportements des leaders qui se sont succédé à la tête de la Tunisie est édifiante à ce sujet.
Il y a plus d’un demi-siècle quand le leader Bourguiba avait destitué le Bey et s’était emparé du pouvoir, la première chose qu’il avait commencé par faire, c’était de récompenser tous ceux qui l’ont aidé à accéder à la magistrature suprême. A celui-ci, il offrait un hôtel, celui-là une ferme, tel autre, des terres domaniales. D’autres s’étaient vus octroyés de juteuses autorisations pour exercer divers commerces et autres activités fort rentables… Les premières fortunes, après l’indépendance, ont toutes bénéficié de ce coup de pouce présidentiel.
Lui succédant, Ben Ali a fait pire. En dictateur absolu, il avait exploité le pays comme si c’était un legs parental. Sa démarche était clientéliste. Il était très généreux vis-à-vis de ses proches et collaborateurs (policiers, hauts cadres, juges, notables du parti, directeurs de journaux…).
Ces derniers, viscéralement cupides, s’étaient grassement servis et s’étaient appropriés, avec la complicité d’une administration gérée par des ministres benalistes, tous les biens –ou presque- du pays. Ils ont envahi toutes les activités lucratives. Rien ne semblait assez pour assouvir leur avidité. Ils se croyaient éternels, jusqu’à l’avènement de la révolution du 14 janvier, et son corollaire la restitution partielle des biens spoliés.
Faut-il jubiler pour autant et penser que ces dérapages relèvent du passé et qu’avec la révolution l’Etat de droit et des institutions pointe, désormais, à l’horizon? Ceux qui se hasarderont à le croire se trompent énormément.
Car, le pouvoir a cette faculté de changer les leaders. Ceux-ci grisés par la puissance qu’il leur donne et excités par l’appui que leur apportent des communautés de mauvais aloi plus courtisanes que partisanes, ont malheureusement cette fâcheuse tendance à migrer, très vite, vers l’autoritarisme et sa conséquence naturelle: les abus.
Rached Ghannouchi, leader historique du parti Ennahdha qui a remporté, le 23 Octobre 2011, les élections de l’Assemblée constituante, échapperait-il à cette règle? Les premiers signes ne sont pas encourageants. Il n’a même pas attendu que son parti forme un gouvernement pour se permettre de promettre monts et merveilles à d’importants pans de la société tunisienne.
Ainsi, sans avoir aucune fonction officielle, mais apparemment soucieux de gagner la sympathie de la région de Sidi Bouzid où des actes de rébellion -injustifiés et condamnables en cette période de démocratie- ont eu lieu, le «Cheikh» -comme certains l’appellent- n’a trouvé mieux que de promettre aux Bouzidis d’importants fonds devant les aider, avant les autres régions, à transcender la précarité de leur vie.
La promesse a fait mouche à Sidi Bouzid. Le samedi 29 octobre, le journal de 20 heures d’El Watanya a diffusé une intervention d’un Bouzidi qui a déclaré que «son bled» a pris acte des promesses de Rached Ghannouchi et que la rébellion n’y est plus justifiée.
La grande question qui se pose dès lors, c’est dans quelle «tirelire» Rached Ghannouchi va puiser les fonds pour satisfaire cette région: est-ce dans le budget de l’Etat, est-ce dans son propre compte bancaire ou est-ce dans Beitmel EL mouslimine»?
Si par hasard, il confond entre les trois tirelires, nous rappelons au Cheikh que l’affectation de fonds budgétaires est votée au Parlement et qu’un Etat moderne doit veiller à la bonne gestion des deniers publics et éviter toute improvisation dans leur répartition.
Le modèle kleptocrate de Ben Ali qui gouvernait le pays sans respect des engagements du budget et selon ses humeurs n’a plus droit de cité en Tunisie.
Pour revenir à la promesse faite aux Bouzidis, à notre connaissance, en matière de sous-développement, c’est la région de Kasserine qui détient ce triste palmarès et que le ministère de Développement régional a mis au point des critères objectifs pour déterminer avec précision le retard développemental des régions de l’intérieur (taux de pauvreté, disponibilité de l’infrastructure, chômage, particulièrement des diplômés…).
Conséquence: la promesse de Rached Ghannouchi n’engage que sa propre personne et son parti qui, pour mémoire, n’a obtenu que 40,47% des suffrages exprimés sur un total d’électeurs inscrits de 3,8 millions, sachant que le corps électoral en Tunisie est estimé à environ 8 millions dont 4,2 millions d’électeurs n’ont pas voté. C’est pour dire qu’Ennahdha est bien loin de représenter l’écrasante majorité du peuple….