Fiasco de l’UPL, échec relatif du PDP, le CPR qui sort son épingle du jeu et remporte le plus de sièges à la constituante, après Ennahdha bien sur. Un certain H. Hamdi fait des scores que personne n’aura prévu, grâce, pense-t-on, à sa télé… beaucoup d’argent dans cette campagne, et c’est intéressant de voir cela de plus près…
1. Echec relatif du PDP
On peut probablement penser que l’argent et le soutien dont a bénéficié le PDP, sa présence sur les affiches urbaines, ou à la télé, n’ont pas servi ses intérêts. En rappelant quand même que Ahmed Néjib Chebbi est un militant, de premier ordre, qui a une histoire, même avec tout ce qui se dit ici et là. Les gens ont complètement ignoré le PDP, un parti qui a une légitimité historique, une ligne claire, des militants, etc. Peut-être que le discours du PDP n’était pas suffisamment clair pour les petites gens qui ne mangent pas correctement, et qui auraient préféré la “Pétition populaire“. Peut-être aussi que ce qui reste de la classe moyenne a préféré M. Marzouki qui est resté en dehors de la tourmente de l’argent politique, dit «argent sale».
2. Succès du CPR
Justement, le succès du CPR tient peut-être des mêmes causes de l’échec relatif du PDP. Dr. Marzouki a profité de son histoire dans le militantisme politique, de son intégrité, de la régularité de son discours, et du fait qu’il n’avait concrètement pas de moyens pour faire de la propagande. Ca lui donnait de la crédibilité. De la «propreté», face à l’argent sale. Ses lunettes auraient joué en sa faveur également. Il n’est pas là pour plaire, mais pour travailler.
3. Fiasco de l’UPL…
Avec les millions investis dans la pub, les affiches de «Tawa» partout dans le pays, et la force et l’originalité de cette «Copy Strategy»[1] , et bien le fiasco est de taille. Décidément, les gens ne votent pas comme ils achètent du yaourt. C’est à mon avis une très grande fierté et un très grand signe de maturité. Les gens n’avaient pas confiance en ces inconnus sortis de nulle part, et nous promettant la lune. C’était trop beau pour être vrai. Et surtout, plus l’UPL exhibait de façon ostentatoire son argent dans les affichages urbains et la télé, moins il servait ses intérêts. L’argent politique est perçu comme sale. Très sale.
Comment se fait-il alors que Dr H. Hamdi ait gagné en pénétrant les foyers des gens via la télé, le média de masse le plus titanesque qui soit…? Eh bien, à mon avis, ce n’est pas juste la force du média, qui compte, le nombre d’affichages urbains, concrètement le GRP (degré de pression et donc ampleur de l’impact d’une pub). Le fondement et l’historicité de la promesse faite à l’électeur priment sur le GRP, sur l’argent politique.
4. L’outsider…
Pourquoi H. Hamdi a gagné avec des scores aussi inattendus? Comment comprendre que des gens comme Youssef Seddik, ou Abdelfatteh Mourou, et d’autres encore et j’en oublie… soient absents de la Constituante? Et qui sont ces gens de la “Pétition populaire“ («Aridha Chaabiya»)?
Si un quart des Tunisiens vit sous le seuil de la pauvreté, il faudra comprendre que ce vote a donné de la visibilité, à cette majorité qui vit sinon dans la misère, au mieux dans le besoin. Vous vous étonnez que H. Hamdi ait gagné, vous lecteurs de WMC…? Justement, nous, poignée de CSP++, ne sommes que minoritaires finalement par rapport à la majorité des petites gens qui prennent le bus, et qui rament pour manger tous les jours. Nous aussi nous ramons, mais pour acheter des appartements dans des quartiers «propres» et pour partir en vacances.
Voilà la démocratie. Tout me semble aller dans le bon sens. Tout le monde gagne en visibilité, et de façon proportionnelle. La Tunisie n’est peut-être pas faite de classe moyenne si aisée… cette classe moyenne est de plus en plus minoritaire. Et elle perd en niveau de vie de façon exponentielle. C’est l’électorat principal d’Ennahdha aujourd’hui. Elle a voté d’abord pour ce qu’elle considère comme “valeurs sûres“, l’identité «religieuse», ce qui reste quand tout s’en va: chômage, déclin des valeurs, niveau de vie en chute libre, et même un stress et un mal-être ambiant qui reflète tout cela. Contrairement à la bonne humeur et à l’euphorie de la Tunisie des années 50, celle de Nééma et de «Taht El yasmina Fellil…».
Sinon, le peuple des couches les plus démunies, celui qui voit ses enfants emportés par l’«Oued»… lui a voté pour la personne qui lui parle de ses véritables soucis. Il met «Al Mustakilla» pour écouter un «Abdl Aziz El Eroui» qui lui promet le pain à 100 millimes, des routes et des hôpitaux.
A chacun ses clients. Ce qui est sûr, c’est que tout le monde gagne en visibilité. Et maintenant il faut travailler pour corriger ce qui ne va pas. Surtout ne pas le couvrir d’un voile mauve et s’en aller, comme faisait Ben Ali.
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