Un syndicat pour les journaux indépendants et de partis, n’est ce pas contre-nature ? Et puis ces deux types de journaux n’ont-ils pas déjà leur place dans les cinq autres structures qui représentent tous les pans de la profession.
Un nouveau syndicat est né dans le monde des médias. Il s’agit du Syndicat des journaux indépendants et de partis (SJIP). L’annonce a été faite, jeudi 3 novembre 2011, lors d’une conférence de presse, donnée par les initiateurs du projet.
Ce syndicat vient s’ajouter à cinq structures, dont trois sont nées avant le 14 janvier 2011, qui Å“uvrent déjà à la défense de la profession médiatique et à sa promotion: le Syndicat National des Journalistes Tunisiens (SNJT), l’Association Tunisienne des Directeurs de Journaux (ATDJ), le Syndicat Général de l’Information et de la Culture (SGIC) relevant de l’UGTT, le Conseil National Indépendant pour l’Information et de la Communication (CNIIC) et le Syndicat Tunisien des Dirigeants des Médias (STDM).
Une kyrielle de structures qui donnent des airs de trop plein en matière de représentation des intérêts des professionnels d’un secteur vital pour la pérennité d’une démocratie.
Deux métiers différents
Des interrogations se font déjà jour sur la signification de la création d’un syndicat qui représente à la fois la presse indépendante et la presse de partis. Quel lien peut-il y avoir entre une presse indépendante et une presse partisane?
Il s’agit de deux métiers différents comme le sont par exemple la radio et la télévision. Economiquement parlant, ces deux secteurs de la presse nationale ne revendiquent pas dans tous les pays les mêmes sources de financement.
En effet, alors que la presse indépendante vit pour l’essentiel de l’achat (au numéro ou par voie d’abonnement) des exemplaires par les lecteurs et de la publicité, la presse des partis vit des revenus que leur procure leurs militants et des aides versées par l’Etat. Nous n’allons pas réinventer le journalisme. Encore moins l’économie des médias.
Par ailleurs, les professionnels de ces journaux ne sont-ils pas représentés par les structures citées plus haut? Fallait-il, dans ce cadre, distinguer les médias nés après le 14 janvier 2011 de ceux nés avant le 14 janvier comme semble le laisser deviner l’exposé des motifs de création de ce nouveau syndicat?
Ce nouveau syndicat n’a-t-il pas, en outre, d’autre raison d’exister que celle de défendre des intérêts corporatistes et bassement matérialistes? L’exposé des motifs de la création de ce nouveau syndicat semble toujours accréditer cette thèse: répartition de la publicité publique, octroi de subventions, fragilité de la situation financière…
Ce qui est de bonne guerre: le propre d’un syndicat est d’avoir des revendications. Mais, le problème semble aujourd’hui plus profond. Les représentants des médias en Tunisie, et en raison du climat d’étouffement des libertés dans lequel ils ont toujours vécu, n’ont pas pour l’essentiel toujours réussi à être autre chose qu’une force de revendication.
Une force de proposition
Certes, nul ne peut dire que les médias peuvent prospérer en dehors d’un climat de liberté. La liberté est essentielle pour l’exercice du journalisme. Il s’agit, donc, d’une condition sine qua non. Mais non suffisante.
Il faut observer ce qui se passe en dehors de nos frontières pour se rendre compte que les syndicats et autres groupements professionnels ayant attache avec les médias (annonceurs, professionnels de la publicité,…) sont également une force de proposition.
Le concours de ces professionnels a été, par exemple, toujours d’une importance vitale pour créer des institutions comme celles qui s’activent dans les domaines aussi vitaux que la mesure d’audience, la distribution de la presse, la régulation audiovisuelle, la recherche scientifique et opérationnelle ainsi que la formation.
Et il est à se demander, à ce juste propos, si les professionnels des médias sont capables et prêts à assumer ces différentes missions. Les quelques expériences menées jusqu’ici n’ont pas toujours vraiment bien abouti. En témoigne l’échec des expériences en matière de la distribution des journaux. Une société de distribution, constituée dans les années quatre-vingt-dix, par plus d’un groupe de presse, a fini par distribuer les seuls journaux d’un seul groupe.
Les chaînes de radio et de télévision tunisiennes accepteront-elles, comme cela se fait sous d’autres cieux démocratiques, de coopérer ensemble pour créer un institut de mesure d’audience? Ne craignent-elles pas que les résultats ne soient pas à la hauteur de leurs attentes? C’est-à -dire qu’ils ne montrent pas que l’on est bien le premier et le meilleur?
Il y a selon toute vraisemblance beaucoup de chemin à parcourir à ce niveau.