On ne peut mesurer l’ampleur et l’importance de ce qui se passe en Tunisie que lorsqu’on voyage et on discute avec les gens. Au Moyen-Orient, la “célébrité“ de Bouazizi et les conséquences de son geste ont atteint et dépassé toutes les chaumières aussi bien des gens pauvres qu’aisés; aussi bien en Europe qu’en Afrique, on attend avec impatience comment va évoluer la situation et les conséquences du 23 octobre. Car il sera incontestable que ce qui se passera chez nous aura une incidence sur tous les pays, et je peux le dire avec fierté, de Ouagadougou jusqu’à Washington.
Mais il y a un mais. Comment sauvegarder ces acquis et aller de l’avant surtout que beaucoup de gens à l étranger n’arrivent pas à comprendre que tout ce qui se passe chez nous se fait sans une goutte de sang ou presque?
Comment tenir compte de ces menaces à peine voilées de ces gens qui, déjà, considèrent qu’il va y avoir un bourrage d’urnes, ce qui peut s’expliquer qu’ils ont peur de perdre alors ils essaient de faire peur…?
Comment tenir compte de ces extrémistes de tout bord qui incendient une télé imbécile, braquent une banque pour se faire un budget électoral, abusent de cette ouverture subite qui les désorientent en quelque sorte, et les fait ressembler à ce GPS qui perd le Nord?
Comment expliquer qu’on ne peut utiliser Dieu comme argument électoral -aussi bien pour ceux que l’invoquent systématiquement que ceux qui récusent cette référence-, et certains jouent sur les mots? En tout cas, les uns comme les autres doivent savoir qu’il y a dans toute stratégie de développement sous nos cieux des constantes inamovibles:
– le citoyen est généralement peu exigeant: un logement, une nourriture, une sécurité, c’est tout;
– le citoyen demande aussi qu’on le respecte et qu’on respecte ses convictions profondes mais sans tomber dans l’excès et quoiqu’on dise, on est, on reste et on sera un pays musulman, et que l’islam est plus qu’une religion, c’est aussi un mode de vie;
– le citoyen demande un Etat organisé et structuré, et c’est qui explique le titre “Sans lieue ni mètre“, donc sans mesures -dans tous les sens du terme- il n’y a pas d’Etat, et s’il n’y a pas d’Etat, il n’y a rien, et s’il n’y a rien, Bouazizi se serait immolé pour rien. Et je peux vous affirmer qu’il y a plus d’un dictateur en place et il y en a encore beaucoup qui en seraient heureux.