Après avoir fait couler beaucoup d’encre, le code de la presse vient, en ce
début du mois de novembre 2011, d’être signé par le président provisoire, Foued
Mebazaâ, et publié, illico presto, par le Journal Officiel de la République
tunisienne (JORT).
Empressons-nous de préciser que ce code remplace, certes, les textes antérieurs
au 14 janvier 2011, mais reste néanmoins provisoire tant qu’une nouvelle
Constitution n’aura pas été adoptée par l’Assemblée constituante. Le principe
étant que la Constitution demeure la loi des lois et que le code de la presse
doit nécessairement s’inspirer et être en harmonie avec la prochaine
Constitution. Conséquence: rien n’est encore décidé.
Pourtant, bien que l’écrasante majorité des journalistes eût souhaité que
cette législation n’existe pas du tout, après la révolution, comme c’est le cas
dans beaucoup d’autres pays démocratiques, le nouveau code représente, de toute
évidence, une importante avancée sur la voie de la consécration de la liberté de
presse et d’expression.
Concernant le journaliste, la nouvelle législation lui garantit l’accès à
l’information (même si des résistances sont à prévoir), la confidentialité des
sources, moult autres protections, celle au cours de l’exercice de son métier et
le droit de ne pas se justifier des opinions qu’il affiche et des informations
qu’il publie.
En matière de sanction, le nouveau code ne criminalise pas systématiquement les
délits de presse et va jusqu’à supprimer la peine privative de liberté en
matière de diffamation.
S’agissant des entreprises de presse, le code simplifie les procédures de
publication de journaux à travers la suppression du droit du ministère de
l’Intérieur d’arrêter l’édition d’un journal et l’institution du principe de la
publication sans autorisation préalable.
En vertu de la nouvelle législation, il suffit de déposer une simple déclaration
auprès du Premier ministère pour éditer un journal. Cette déclaration est
assortie de certaines dispositions devant garantir transparence financière,
pluralisme et diversité du paysage médiatique.
Pour ce qui est de l’audiovisuel, un Conseil supérieur de l’audiovisuel est créé
pour dissuader les dérapages.
Ce code n’est pas du goût de tout le monde. Les Imams- prédicateurs, dont le
principal parti «Ennahdha» est majoritaire à la Constituante, voient d’un très
mauvais œil l’article 51 relevant du chapitre sur la responsabilité pénale. Ce
dernier prévoit une peine d’emprisonnement «pour toute personne qui incite à la
discrimination, à la haine et à la violence, ou prépare des idées fondées sur la
ségrégation raciale, l’extrémisme religieux ou sur les conflits régionaux et
tribaux».
D’ores et déjà, ils ont eu à faire entendre leur voix avant même l’adoption du
code. Le 18 août dernier, sept associations d’imams de mosquées ont publié un
communiqué intitulé «l’’islam en danger» et dans lequel ils estiment que les
affaires du culte ne sont pas du ressort du code et que l’article incriminé
constitue un témoignage de l’islamaphobie qui a prévalu, du temps de Ben Ali.
Par delà la satisfaction des uns et l’insatisfaction des autres, la liberté
d’expression que cherche à concrétiser ce code est une et indivisible. Une
certitude, une telle législation s’accommode mal au double langage des
nahdhaouis et dérivés. Car, il est inadmissible d’entendre les cadres de ce
parti tenir un langage éclairé et rassembleur alors que leurs imams continuent à
qualifier, dans leurs prêches, le reste du peuple tunisien, de «mécréants» et
d’«hérétiques». N’y a-t-il pas là une incitation à la discrimination et à la
ségrégation, voire un délit incriminé par le nouveau code de la presse?
La règle à respecter par tous les Tunisiens est très simple: la loi doit être au
dessus de tout le monde, à moins que ces imams se considèrent, dans les
mosquées, comme chez eux ou du moins dans des zones “off shore hors la loi“.