Dans une conférence de presse organisée, mercredi 16 novembre 2011, dans les locaux de la centrale syndicale, Abid Briki, membre du bureau exécutif de l’UGTT, après avoir rappelé le rôle historique de ses camarades dans la lutte contre la dictature et ses réminiscences tout au long des derniers mois qui ont suivi le triomphe de la révolution, a d’emblée dénoncé le contenu du rapport de la Commission Nationale sur les Affaires de Corruption et de Malversations(CNACM), qui a mis en cause Abdessalem Jrad, secrétaire général de l’UGTT, appelé les travailleurs tunisiens à se mobiliser autour de leur organisation, objet d’une campagne de dénigrement sans précédent, stigmatisé le rôle des réseaux sociaux dans la campagne visant les militants de la Place Mohammed Ali et insisté sur la volonté des adhérents, des cadres et de toute la direction syndicale de faire barrage aux déviations des uns et des autres.
«Apparemment, tout juste après la proclamation des résultats des élections de la Constituante, certains acteurs politiques veulent décrédibiliser, marginaliser et affaiblir l’UGTT, afin de jouir pleinement de la scène. Sans contre-pouvoirs. Sans luttes syndicales», affirme Abid Briki, principal animateur de la conférence de presse, pour qui Abdelfattah Amor, président de la CNACM, mais détenteur aussi de plusieurs prix durant le règne du 7 novembre, est disqualifié pour traiter des affaires de corruption et incriminer les uns et les autres en raison de ses accointances passées avec le régime de Ben Ali.
Dialecticien dans l’âme, notre interlocuteur a entrepris devant les journalistes le démantèlement des accusations de népotisme et de clientélisme, portées contre le secrétaire général de l’UGTT, obligé, dit-il, dans un contexte d’autoritarisme aigu et de mainmise des réseaux mafieux sur l’administration tunisienne, de s’adresser souvent au locataire du Palais de Carthage pour régler certains contentieux, débloquer des dossiers, accélérer des procédures et obtenir pour des syndicalistes en fin de carrière des gratifications. Ce qui n’est pas un crime, insiste Abid Briki, dont les propos, tout au long de la conférence de presse, étaient des menaces à peine voilées, rappelant, au passage, la tradition de solidarité entre les militants syndicalistes dans l’adversité.
Ali Romdhane, figure légendaire de la Place Mohammed Ali, prenant à son tour la parole, dans une atmosphère intenable, enfiévrée, enflammée par les slogans de l’assistance, qui hurle, vocifère et invective, a réclamé la révision de la décision du juge d’instruction, qui ostracise uniquement Abdessalem Jrad dans l’affaire des «Jardins de Carthage». Tout en appelant les Tunisiens à dépassionner les débats, à éviter le sensationnel et à prendre en considération les intérêts supérieurs de leur pays, dont les élites politiques sont condamnées, ajoute-t-il, à réussir la transition démocratique en cours, à assainir le climat social et à réaliser les objectifs de la révolution du 14 janvier 2011.
Avant de conclure la conférence de presse, les membres du bureau exécutif de l’UGTT ont déclaré aux journalistes leur intention de laisser les membres de la Commission administrative, réunie depuis la veille, continuer leurs travaux afin de suivre de près la suite des événements et réagir en fonction de la réaction des pouvoirs publics vis-à-vis des doléances de la centrale syndicale, qui exige la réhabilitation de son secrétaire général.
En fin d’après midi, la nouvelle n’a pas tardé. La pression a porté ses fruits. Le juge d’instruction se rétracte. Les rapports de force ont parlé. Place Mohammed Ali jubile. L’Etat a reculé. Abdessalem Jrad peut voyager. A sa guise. L’opinion publique est sonnée. Car les règles du jeu sont bafouées. La loi piétinée. Les valeurs de la révolution assujetties.
Mais qui a dit qu’après un temps de corruption, la vie ne peut être organisée que par la force et la contrainte?!!… Nietzsche… Certainement.