Les prix enflent au «Souk des chiens» à Tunis où des vendeurs sont venus exposer toute race de chiens. Qui dans une cage, qui dans un vulgaire carton, qui dans la malle d’une voiture, qui en tenant l’animal en laisse sur le trottoir ou la chaussée. Tout près de là, un autre sujet tient la vedette: la victoire de l’Espérance Sportive de Tunis à la Champions League. Même si la discussion glisse très rapidement sur la cherté de la vie.
Il a à peine neuf ans et est travaillé par un seul souci: devenir propriétaire d’un Rodesian, dit Rode, ou encore un Pitbull, deux chiens de race. Aymen, puisque c’est de lui qu’il s’agit, blouson en coton, chemise à carreaux, jean et basket, est venu, donc, tout naturellement, ce matin du dimanche 13 novembre 2011, arpenter la rue Houcine Bouzayene, du côté de l’avenue Moncef Bey, à Tunis, où est installé, depuis des années, ce qu’on appelle le «Souk des chiens».
«Difficile vraiment de se garer», grogne le père d’Aymen, qui accompagne son fils en le tenant religieusement par la main. Comme tant d’autres visiteurs des lieux, le père d’Aymen se plaint de la cherté des prix. Un bébé Rode coûte jusqu’à …700 dinars!
Pour Mourad, la quarantaine, un habitué des lieux, survêtement et sandales en cuir, conseille au père d’Aymen de patienter: «le Souk n’a pas pu se tenir les deux derniers dimanches, qui ont correspondu avec l’organisation de l’élection des membres de la Constituante (23 octobre 2011) et la fête de l’Aïd El Idha (6 novembre 2011)».
«Faire face à l’adversité»
Il faudra revenir, donc, dans une semaine ou deux. «Mais il ne faut pas nourrir trop d’espoirs», ajoute-t-il, car les prix s’expliquent aussi par un autre phénomène: l’insécurité qui règne dans les esprits.
Beaucoup de personnes, qui ne fréquentaient pas le «Souk des chiens» dans le passé, viennent acquérir des chiens de race pour se protéger des voleurs et autres braqueurs. «Avec une prédilection pour les Doberman», soutient Mourad, qui affirme que ce chien n’a pas son pareil pour «faire face à l’adversité».
Reste un problème: faut-il acquérir un bébé Rode ou un plus âgé? Aymen souhaite devenir propriétaire d’un Rode assez âgé. Histoire de pouvoir le promener et de comprendre ce qu’il lui demande de faire afin qu’il lui réponde au doigt et à l’œil.
Mais là aussi problème. Un chien d’un an risque de ne pas répondre aux attentes d’Aymen. Il risque d’avoir pris de mauvaises habitudes (celles inculquées par son premier maître). «Il faudra le dompter de nouveau», souligne Mourad, qui continue à observer les chiens que des vendeurs sont venus exposer au regard des passants. Qui dans une cage, qui dans un vulgaire carton, qui dans la malle d’une voiture, qui en tenant l’animal en laisse sur le trottoir ou la chaussée.
Dans la terrasse d’un café situé à quelques mètres de la rue Houcine Bouzayene, sur l’Avenue Moncef Bey, un autre sujet de discussion semble tenir la vedette: la victoire de l’Espérance Sportive de Tunis (EST) à la finale de la Champions League. Intervenue la veille, cette victoire est saluée par Khaled, comptable dans une banque, qui regrette de ne pas avoir pu assister au match ayant opposé l’EST au Widad de Casablanca (Maroc) au stade de Radès. Faute de billet.
«C’est honteux»
«Je n’ai même pas pu acheter un billet au marché noir. C’est honteux que cela puisse se faire après le 14 janvier 2011», insiste Khaled, qui a, en ce dimanche, un autre souci: la cherté de la vie.
Changement de décor: l’avenue Habib Bourguiba. Dans un café de cette vaste avenue, ça discute parmi les nombreux clients, qui ont pour l’essentiel, avant de venir ici, fait un petit tour du côté du Marché central.
Encore changement de décor, mais même discussion: la cherté de la vie. Hafedh, la cinquantaine, fonctionnaire des finances, s’étonne des prix des fruits. «Impossible de trouver un kilo de fruits à moins de 2 dinars», constate-t-il. Avant d’ajouter que certains légumes ne sont pas en reste: «le prix des tomates a atteint 1 dinar 600 millimes.
Une cherté de la vie qui n’empêche pas le Tunisien de vaquer à ses occupations. Dont celle de «se faire, dimanche matin, une terrasse quelque part avec un capucin et une chicha» (dixit Hafedh). Sans ajouter: «Mais que la vie est devenue dure, de nos jours!»