Dans la perspective de tirer profit du savoir-faire acquis par les pays et peuples qui ont connu des transitions démocratiques pacifiques, l’Instance nationale pour l’indépendance de l’information et de la communication (INRIC) a organisé, avec le concours de l’ambassade de Tchéquie, à Tunis les 3 et 4 novembre 2011, un colloque sur l’expertise médiatique tchèque en période postrévolutionnaire.
L’ultime objectif est de faire migrer les médias tunisiens du statut d’outils au service d’un pouvoir absolu à celui d’instruments au service de la conscientisation du citoyen.
La similitude des révolutions accomplies en Tchéquie et en Tunisie est déconcertante. Dans ces deux petits pays de 10 millions d’habitants chacun, la mèche a été allumée par l’immolation de deux jeunes. Celle du jeune étudiant Jan Palach sur la place Vinceslas à Prague en signe de protestation désespérée contre l’occupation d’une Tchécoslovaquie aspirant à l’époque à la démocratie, et celle de Mohamed Bouazizi en Tunisie en signe de révolte contre la précarité de l’emploi et le déséquilibre régional.
Pour revenir aux médias, le chemin parcouru est presque le même. Il y a eu les balbutiements du début, l’apprentissage rapide des pratiques démocratiques (respect de la différence, formation des journalistes…), l’adaptation à la nouvelle donne pluraliste, la dénonciation des niches de contre-révolutionnaires, les retournements de veste des porteurs d’encensoirs de l’ancien régime, la prolifération de médias privés (nouveaux journaux, radios, chaînes de télévision, sites électroniques…).
Selon les journalistes et responsables des médias tchèques invités à ce colloque, les résultats enregistrés sont mitigés. La presse écrite a beaucoup reculé dans ce pays en termes de lecteurs au profit de l’audio-visuel bien sûr mais surtout des réseaux sociaux (Facebook, Twitter..). Les abonnés tchèques sont estimés à 4 millions, un peu plus que les Tunisiens.
Les intervenants ont montré une certaine exacerbation contre ces réseaux sociaux et plaidé avec grande véhémence pour une réglementation internationale de ces réseaux, ces mêmes réseaux qui ont pourtant aidé beaucoup de pays comme l’Egypte et la Tunisie à venir à bout de deux dictatures réputées pour être parmi les plus sophistiquées du monde.
En clair, les journalistes tchèques estiment que les réseaux sociaux ont un impact pervers sur la société et ne constituent nullement la voie idéale pour propager la démocratie.
Interpellés par des journalistes tunisiens sur les erreurs commises par les médias tchèques en période de transition démocratique, les invités tchèques ont été unanimes pour évoquer un grand ratage de la révolution des médias, celui d’avoir négligé la presse de proximité et la presse locale. A méditer.
Un mot sur les invités tchèques. Il s’agit de Milos Cermak (journaliste et consultant), Jir Majster (Directeur général de l’agence de presse tchèque, CTK), Iva mathe (recteur de l’Académie des beaux Arts de Prague (AMU), Thomas Trampota (Directeur de l’Institut des études en communication et journalisme à l’université Charles de Prague), Sadi Shanaah (analyste à l’organisation Glopolis, Global Policy Institute de Prague).