Enchères créneaux horaires : l’aérien vent debout contre Bruxelles

photo_1321868616480-1-1.jpg
éroport de Roissy-Charles-de-Gaulle, en avril 2010 (Photo : Fred Dufour)

[21/11/2011 09:45:55] PARIS (AFP) Le monde du transport aérien s’alarme d’un projet de la Commission européenne qui révolutionnerait l’attribution des précieux créneaux horaires aux compagnies: la mise aux enchères des nouveaux “slots”.

“Le danger est que les compagnies riches puissent acheter des créneaux au détriment des moins riches qui ne pourront donc pas se développer”, résume Thierry Aucoc, directeur général France d’Emirates. “Ce n’est pas très sain”.

Dès novembre 2010, les associations des compagnies européennes, des compagnies à bas coûts, des compagnies charters et des compagnies arabes avaient notifié à Bruxelles, dans un courrier commun, qu’elles ne voyaient “aucune nécessité ni justification à changer le dispositif existant”.

Les slots sont pour l’heure alloués gratuitement à la condition de les utiliser au moins à 80%. Ceux perdus ou cédés sont mis dans un pot commun et peuvent être échangés entre compagnies via des organismes gestionnaires tels que Cohor en France.

L’Association des compagnies européennes (AEA) a réitéré le 16 novembre son opposition à ce projet au moment où la phase de consultation s’achève.

Changer le système “ne résoudra pas le problème de manque de capacités sur les aéroports saturés”, écrit-elle.

photo_1321868662806-1-1.jpg
écollage (Photo : Fred Dufour)

“C’est non nécessaire et c’est risqué”, estime une source européenne.

Le collège des commissaires européens devrait annoncer le 30 novembre s’il présente finalement ce texte, en gestation depuis des années, selon la même source. Avec l’objectif de présenter une proposition au Conseil des ministres européens des transports le 12 décembre.

“Nous avons le sentiment que le système d’allocation des créneaux horaires actuel fonctionne bien et que la proposition de la Commission ne peut que générer des coûts supplémentaires notamment pour les compagnies européennes qui n’ont pas besoin de cela aujourd’hui”, explique Laurent Timsit, responsable des affaires européennes et internationales à Air France, faisant allusion au contexte économique.

“Cela va créer des flux financiers et, in fine, coûter plus cher aux consommateurs”, prédit en outre Lionel Guérin, président de la Fédération nationale de l’aviation marchande (FNAM).

M. Timsit juge que pour les compagnies non européennes, ce serait même “une double peine”.

“Comment expliquer à des compagnies américaines, russes ou chinoises qu’il leur faudra non seulement des droits de trafic (négociés d’Etat à Etat, NDLR) pour exploiter des vols vers l’Europe mais également consacrer des sommes importantes pour accéder aux aéroports européens alors qu’elles paient déjà des redevances?”, interroge-t-il.

Avec le risque de rétorsions.

Les transporteurs sont d’autant plus inquiets qu’ils n’ont reçu aucun détail sur les modalités qui feront l’objet d’un texte “rédigé ultérieurement”.

“Il nous est donc demandé de nous prononcer sur un système dont personne ne sait ce qu’il sera et même la Commission ne semble pas y avoir réfléchi sérieusement”, soulignent, dépités, les responsables.

Qui va gérer la mise aux enchères? Y aura-t-il des modalités pour que les petites compagnies puissent y participer? Où va aller à l’argent? sont autant de questions pour l’heure sans réponse.

“Si on réinvestit cet argent pour améliorer les pistes, les parkings, la gestion du trafic aérien, cela a un sens, sinon cela ne sert à rien”, conclut Thierry Aucoc.

Enfin, tous soulignent que les aéroports britanniques de Heathrow et Gattwick utilisent déjà ce système de mise aux enchères qui n’a nullement réglé leur saturation.

Les compagnies en appellent Bruxelles à la raison pour enterrer cette proposition.

Un projet similaire avait été envisagé il y a quelques années à New York. Devant la fronde, les autorités avaient dû se résoudre à le retirer.