Rôle de la BCE : l’Allemagne attend que les choses empirent pour bouger

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Economie et vice-chancelier Philipp Roesler (C) au Bundestag le 23 novembre 2011 (Photo : John Macdougall)

[23/11/2011 13:44:32] BERLIN (AFP) L’Allemagne pourrait fléchir dans son opposition à une intervention massive de la Banque centrale européenne (BCE) si la crise empirait et sous condition d’un strict renforcement de la discipline budgétaire en zone euro, estiment des économistes.

“Malheureusement on est dans cette situation paradoxale où l’on en vient à fonder tous nos espoirs sur une nouvelle catastrophe pour que Berlin bouge enfin”, résume pour l’AFP Christian Schulz, économiste de Berenberg Bank.

Pour le moment en effet, et alors que la crise embrase pourtant de plus en plus de pays en zone euro, l’Allemagne fait la sourde oreille aux appels lancés par les investisseurs et ses partenaires à ouvrir les vannes de la BCE.

Berlin ne veut pas en entendre parler, arguant que le seul rôle de la BCE est de garantir la stabilité des prix. “C’est son mandat, elle l’exerce (…), et l’Europe (…) n’a pas le droit de changer quoi que ce soit à ce mandat”, a répété la chancelière Angela Merkel mercredi devant les députés du Bundestag.

Vu d’Allemagne, l’Italie et l’Espagne, qui font pourtant face à des taux en hausse constante de l’emprunt, ne sont pas encore coupés du marché. “Je suis persuadé qu’ils n’ont pas besoin d’aide extérieure”, a assuré mardi le président de la Bundesbank, Jens Weidmann, adversaire résolu à l’intervention de la BCE.

Mais les observateurs sont persuadés du contraire. “Mon scénario est le suivant: lorsque l’Espagne ou l’Italie verront se fermer leur accès au marché financier, c’est-à-dire qu’ils devront renoncer à une émission de dette faute de répondant, Berlin devra bouger”, détaille M. Schulz, qui retient comme horizon le mois de janvier “car d’ici là il n’y aura pas de grosses émissions de dette” dans les pays de la “périphérie”.

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ège de la BCE le 22 novembre 2011 (Photo : Daniel Roland)

L’Allemagne a la hantise du “free lunch” (déjeuner gratuit): devoir fournir, en tant que première économie européenne et plus gros contributeur au budget de la BCE, une aide illimitée à des pays qui ont à ses yeux échoué à se réformer à temps, explique Alexander Krüger, économiste en chef de Bankhaus Lampe.

La condition sine qua non à un infléchissement de la position allemande serait donc “des contreparties de la part des pays aidés”: des engagements de discipline budgétaire, de réformes, mais aussi des garanties, “qu’ils déposent auprès de la BCE des actifs, de l’or par exemple”.

Mme Merkel et son ministre des Finances Wolfgang Schäuble veulent une modification des traités européens, pour y graver une discipline budgétaire plus contraignante. C’est “une condition essentielle pour qu’il y ait le moindre mouvement” de leur part, analyse M. Krüger.

Mais les idées allemandes ont pour le moment été accueillies avec peu d’appétit par les autres Européens.

Quoi qu’il en soit, la chancelière s’est tellement “enferrée” dans son opposition aux appels lancés par ses partenaires –France, Espagne et Pologne ces dernier jours– qu’elle aura le plus grand mal à changer son fusil d’épaule, juge M. Schulz.

A moins que le danger ne la menace directement. Et mercredi, le placement difficile d’une émission obligataire lui a causé des frayeurs: l’Allemagne n’a réussi à placer sur le marché que 60% d’une obligation Bund à dix ans.

“Les investisseurs étrangers perdent peu à peu confiance dans la zone euro dans son ensemble, et cela vaut aussi (…) pour les obligations allemandes”, selon Viola Stork de la banque Helaba.

Berlin a certes son déficit sous contrôle –il devrait tomber à 1,3% du Produit intérieur brut (PIB) cette année–, mais sa dette de plus de 2.000 milliards d’euros et plus de 80% du PIB n’en fait pas un modèle de vertu non plus, vu de Japon ou de Chine. Les investisseurs asiatiques représentent près de 40% des détenteurs de dette allemande.