L’application stricto-sensu de l’article 19 du décret-loi n° 2011-35 du 10 mai 2011, relatif à l’élection d’une Assemblée nationale constituante, interdirait à Hamadi Jebali et à tout autre membre de l’Assemblée nationale constituante d’être membres du gouvernement et donc ministres ou secrétaires d’Etat, sans parler du poste de Premier ministre.
En effet, l’article 19 dudit décret-loi n°2011-35 du 10 mai 2011, dans son premier alinéa, stipule que «Nul ne peut cumuler la qualité de membre à l’Assemblée nationale constituante et l’exercice des fonctions publiques non électives moyennant une rémunération de l’Etat (…). Or, et à ma connaissance, un poste de ministre n’est effectivement pas l’exercice d’une fonction publique non élective moyennant une rémunération de l’Etat, et serait donc non cumulable avec la qualité de membre de l’Assemblée nationale constituante.
Il en résulte que ces élus qui veulent occuper une fonction de ministre n’ont d’autres choix que de démissionner de la Constituante. Par contre, s’ils tiennent à remplir leur mission de membre de celle-ci, ce pour quoi le peuple les a élus, il leur faudrait renoncer à leurs ambitions ministérielles.
Maintenant, s’ils venaient à préférer leur poste de ministre ou de secrétaire d’Etat, l’article 23 s’appliquera et il sera remplacé par un autre membre de sa liste, le suivant. En effet, cet article stipule qu’«En cas de vacance d’un siège au sein de l’Assemblée nationale constituante, le membre en question sera remplacé par le candidat suivant dans le classement de la même liste». Ce qui reste à préciser, c’est de savoir ce qu’il adviendra si le membre qui est juste après lui sur la liste fait, lui aussi, partie de l’Assemblée nationale constituante.
Une question importante mérite réponse
Cela fait plusieurs semaines que des partis représentés à la Constituante discutent de l’attribution des portefeuilles ministériels, et plusieurs élus sont en lice, pressentis pour occuper des postes de ministres, à leur tête Hamadi Jebali d’Ennahdha qui, dès le début, a été présenté comme le futur Premier ministre du futur gouvernement. C’est normal après tout, son parti a majorité à la Constituante.
Ce texte de loi a donc été ignoré par ces partis. La question est de savoir dans quel sens a-t-il été ignoré, par méconnaissance ou volontairement? Et dans quel but ?
Le résultat est de toute façon le même car ces élus, en qui le peuple tunisien a placé sa confiance, se doivent d’être à la hauteur de cette confiance et ne pas en profiter. Ces élus, ainsi que les membres et conseillers des partis représentés, ne peuvent se permettre de tels oublis et se doivent d’être à l’affût, sinon le peuple tunisien leur rappellera que lui il l’est.
La consécration de la démocratie
L’article sus cité vient ainsi servir les intérêts de l’Etat ainsi que ceux de la démocratie. Les intérêts de l’Etat, car nul ne peut occuper deux fonctions à la fois et faire convenablement son devoir d’élu et sa mission en tant qu’employé de l’Etat, quel que soit son rang. La démocratie, car la séparation entre les pouvoirs, législatif et exécutif, sera ainsi réalisée.
En effet, la présence de ministres au sein de l’Assemblée constituante crée une confusion entre le pouvoir législatif -incarné par l’Assemblée constituante-, et le pouvoir exécutif -incarné par le gouvernement. Il y a plusieurs pays dans le monde où la démocratie est bien implantée, qui exige à ce que les élus démissionnent s’ils rentrent au gouvernement.
La séparation, une fois pour toutes, entre ces deux pouvoirs, est à la fois primordiale et symbolique en cette période de transition et d’installation de la démocratie en Tunisie. Cette période est celle de la mise en place des bases de ce que sera la future Tunisie, une Tunisie que nous voulons démocratique.