La politique de stabilité macro-économique a permis à la Tunisie de renforcer les fondamentaux de l’économie et a favorisé les conditions requises pour une croissance soutenue. Elle a permis également de disposer d’une capacité d’ajustement et d’adaptation de l’économie nationale aux chocs extérieurs. Ce qui a permis de soutenir la compétitivité globale de l’économie. De même, les politiques sectorielles et l’effort d’investissement entrepris ont permis de renforcer la compétitivité de l’entreprise, notamment dans le secteur de l’industrie.
C’est ainsi que la Tunisie a pu réaliser un rythme moyen de croissance du PIB de 5% depuis le milieu des années 60 et renforcer au fil des années la capacité de résistance de l’économie aux chocs extérieurs. En outre, avec l’ouverture économique, la croissance se fonde de plus en plus sur la productivité que sur l’accumulation du capital, reflétant ainsi l’importance de l’investissement réalisé par la Tunisie dans le capital humain.
Par ailleurs, la Tunisie a réussi à assurer un financement équilibré de l’économie, grâce à la maitrise du déficit du budget de l’Etat et à une politique d’intégration engagée depuis le début des années 70 et renforcée au milieu des années 90 qui a permis d’attirer un volume d’investissements extérieurs le plus élevé par tête d’habitant dans la région. Ce qui a permis de réduire la dette extérieure à moins de 40% du revenu national et le service de la dette à moins de 9% des recettes courantes.
Mais en dépit de ces résultats, la performance économique de la Tunisie est en deçà de celle d’autres pays, notamment asiatiques, qui ont adopté un modèle de croissance similaire au modèle tunisien.
En effet, la structure de l’économie nationale est restée peu diversifiée, générant un nombre insuffisant d’emplois par rapport à la demande d’emploi croissante, notamment au niveau des diplômés de l’enseignement supérieur. De même, malgré les efforts déployés pour l’amélioration de la productivité, la contribution de celle-ci à la croissance est restée en deçà des potentialités existantes notamment au niveau des services.
La capacité concurrentielle de l’économie est restée pour cette raison en deçà des niveaux enregistrés par les pays à niveau de développement similaire. Davantage d’efforts devraient donc être déployés au niveau notamment de la compétitivité structurelle, afin que l’économie nationale puisse tirer plus de bénéfices de l’intégration dans l’économie mondiale.
Par ailleurs, l’impulsion de l’investissement privé demeure un défi majeur pour l’économie nationale. La révolution tunisienne a révélé d’importantes lacunes et défaillances au niveau de l’environnement des affaires notamment en matière de gouvernance. En effet, malgré l’ampleur des incitations existantes, les pratiques arbitraires, la corruption, le traitement inégal des investisseurs, le non respect de la réglementation ont freiné l’initiative privée et ont pesé lourdement sur la rentabilité des projets d’investissement.
En outre, malgré les efforts déployés sur les plans législatifs, réglementaires et institutionnels afin de mettre en place un cadre propice aux affaires, beaucoup d’obstacles continuent à compromettre l’initiative privée, contraindre l’effort d’investissement dans le pays et empêcher en conséquence la réalisation des niveaux escomptés de croissance et d’emploi.
Le manque de dialogue avec l’ensemble des acteurs politiques et civil, le déficit en communication et en consultation, l’insuffisance de l’information et l’opacité et la lenteur de la justice ont empêché l’instauration d’un bon climat des affaires en Tunisie.
La centralisation forte des procédures et décisions couplée à la faiblesse de la coordination institutionnelle, la persistance de la lourdeur des procédures administratives, l’étendue de l’informalité, ainsi que le problème foncier ont constitué également des freins de taille à l’investissement privé.
Le manque de mécanismes adaptés aux besoins réels de financement des PME en plus de la faiblesse du taux d’encadrement dans les entreprises nationales s’ajoutent aux écueils existants dans la pratique des affaires.
En conséquence, le niveau de l’investissement privé est resté faible comparé aux potentialités nationales ; il ne représente que 12% du PIB. Le gap d’investissement pour le secteur privé est estimé à 5% du PIB avec des déséquilibres régionaux frappant les régions intérieures; rapporté au nombre d’habitant, le volume des investissements privés réalisés dans les régions de l’est du pays est le double de celui dans les régions de l’ouest.
Il est donc nécessaire d’engager une action d’envergure sur plusieurs fronts dans le cadre d’une réforme profonde et générale en vue de réinstaurer la confiance des investisseurs, impulser l’initiative privée, accroître l’attractivité de la Tunisie et libérer le climat des affaires de toutes les entraves.
Mais c’est l’emploi qui demeure la principale problématique que doit affronter la Tunisie à court et moyen terme. L’enquête annuelle sur l’emploi de 2010 fait en effet apparaître un taux de chômage oscillant entre 12.4% et 13.3% durant la période 2007-2010 et une satisfaction de la demande additionnelle d’emploi de 81.4% en moyenne par an durant cette même période. Même si en apparence ce taux serait relativement modéré eu égard au déséquilibre entre l’offre et la demande d’emploi, il masque en réalité des écarts significatifs selon l’âge, le sexe, le milieu géographique et le niveau d’instruction.
Le taux de chômage de la population active âgée de 15 à 29 ans est de 26.7%. La population active ayant le niveau de l’enseignement supérieur enregistre pour sa part un taux de chômage de 22.9%. Pour les diplômés de l’enseignement supérieur, ce taux est estimé à 23.3%. Le taux de chômage global masque également un décalage entre les hommes et les femmes, le taux de chômage varie en effet de 10.9% chez les hommes à 18.9% chez les femmes. Concernant les régions, l’enquête précitée montre que le taux de chômage varie de 9.3% dans la région du Centre Est du pays à 14.8% dans la région du Centre Ouest et atteint même 19.5% dans la région du Sud du pays.
Globalement, le chômage est donc un phénomène qui affecte particulièrement les jeunes et notamment les diplômés du supérieur posant du coup le problème de l’employabilité de cette catégorie des demandeurs d’emplois.
Des efforts de qualification, de perfectionnement et d’apprentissage devraient ainsi être fournis au profit des jeunes sans qualifications pour augmenter leur chance d’intégrer le marché du travail et en faveur des diplômés sortants du système d’éducation, de formation professionnelle et d’enseignement supérieur par des actions de reconversion et de requalification. Ceci est d’autant plus important qu’il est attendu que le nombre de diplômés du supérieur avoisinerait les 70.000 diplômés en moyenne par an durant les prochaines années. Une action en aval devrait être également menée puisque les taux de chômage des diplômés indiquent l’existence d’une inadéquation de la formation aux besoins du marché du travail et de l’économie en général.
Parallèlement, le pays doit s’engager dans une transformation structurelle de l’économie permettant l’émergence d’activités à haute valeur ajoutée et une transition vers un modèle de croissance tiré par l’innovation en vue d’augmenter les emplois qualifiés.